La reine Abla Pokou : fondatrice du peuple Baoulé

La reine Abla Pokou : fondatrice du peuple Baoulé
Les origines de l’exode de la reine Abla Pokou

Née au début du XVIIIe siècle, Abla Pokou est la nièce du roi Osseï Tutu, fondateur de la Confédération Ashanti du Ghana.

À la mort de ce dernier, son neveu lui succède sur le trône, en vertu de la loi matrilinéaire, c’est-à-dire la loi de succession par lignée maternelle.

AshantiEn effet, chez les Ashanti, l’enfant issu de la sœur d’un roi défunt a plus de chance de succéder à ce dernier que l’enfant d’un frère dudit roi.

Aussi, au décès du neveu d’Osseï Tutu le fils de sa sœur, une guerre de succession éclate entre Itsa — un vieil oncle issu de la famille régnante — et Dakon, le second frère d’Abla Pokou.

Alors, dans la capitale du royaume, Kumasi, une lutte fratricide s’engage, au cours de laquelle Dakon est tué.

Dès lors, Abla Pokou comprend le terrible sort qui l’attend, si elle reste.

Elle doit donc s’enfuir vers le nord-ouest avec sa famille, ses serviteurs, ses soldats fidèles et tous ceux du peuple qui se reconnaissent en elle ou en Dakon.

Le sacrifice

La Reine Abla Pokou et ses partisans marchèrent vers le nord-ouest, pour échapper à leurs poursuivants. Ils ignoraient la fatigue et marchaient de jour comme de nuit.

En effet, ils ne craignaient ni la pluie ni le soleil.

Ils partirent dans la forêt. Ils laissèrent aux épines leurs pagnes, puis leur chair. Il fallait fuir toujours, sans repos, sans trêve, talonné par l’ennemi féroce.

Et leur reine, La reine Pokou, marchait la dernière, portant au dos son enfant.

Malheureusement, les poursuivants s’acharnaient, gagnaient du terrain, et se rapprochaient.

Enfin les broussailles apparurent, puis la savane et les rôniers et, comme à leur habitude depuis leur départ, la horde entonna son chant d’exil :

Mi houn Ano, Mi houn Ano,blâ ô
Ebolo nigué, mo ba gnan min –
(Mon mari Ano, mon mari Ano, viens,
Les génies de la brousse m’emportent.)

Harassés, exténués, amaigris, ils arrivèrent sur le soir au bord d’un grand fleuve.

Et le fleuve mugissait, les flots montaient jusqu’aux cimes des arbres et retombaient et les fugitifs étaient glacés d’effroi.

Consternés, ils se regardaient.

Était-ce là l’Eau qui les faisait vivre naguère (dans le passé), l’Eau, leur grande amie ?

Il avait fallu qu’un mauvais génie l’excitât contre eux.

Et les conquérants devenaient plus proches.

En effet, leur obstacle était le fleuve mugissant de la Comoé. Une frontière naturelle entre le Ghana et leur prochaine terre d’accueil, la Côte d’Ivoire.

Les pluies hivernales avaient gorgé le fleuve, le rendant infranchissable.

Les poursuivants étant à seulement quelques kilomètres d’eux, il faut trouver une solution.

On consulte alors les mannes. En désespoir de cause, la reine Abla Pokou lève les bras au ciel et dit :

« Que demande le génie de ce fleuve pour nous laisser passer ! »

Et le vieil homme qui est le « Sorcier » ou « Devin » de la Reine lui répond :

« Reine, le fleuve est irrité, et il ne s’apaisera que lorsque nous lui aurons donné en offrande ce que nous avons de plus cher. ».

Aussitôt, les femmes tendent leurs parures d’or et d’ivoire; les hommes avancent qui leurs taureaux, qui leurs béliers.

Mais le devin repousse toutes ces offres et dit, de plus en plus triste :

« Ce que nous avons de plus cher, ce sont nos fils ! ».

Mais personne ne veut offrir son enfant en sacrifice.

Dès lors, Abla Pokou comprend que seul le sacrifice de son propre fils, unique, peut satisfaire les génies du fleuve.

Abla Pokou

Alors, elle élève l’enfant au-dessus d’elle, le contemple une dernière fois et le précipite dans les flots grondants…

Sitôt après ce geste irréversible de la reine, les eaux troublées de la Comoé se calment et se retirent jusqu’au genou, comme par magie, et toute la tribu franchit le fleuve sans encombre.

Et la reine Pokou passa la dernière et trouva sur la rive son peuple prosterné.

Mais la reine était aussi la mère et elle se retourne et murmure dans un sanglot :

« Bâ wouli »

Ce qui signifie littéralement :

« L’enfant est mort. »

Cette phrase a donné par la suite le nom du peuple Baoulé (ba wouli).

C’est ainsi qu’en souvenir de cet enfant, la tribu d’Abla Pokou a été appelée « Baoulé« , et que le berceau du peuple Baoulé reçut le nom de Sakassou, autrement dit, « le lieu des funérailles ».

De son berceau d’origine du Ghana à sa terre d’exil de Côte d’Ivoire, cette reine reste célébrée dans la littérature orale et écrite.

Figure emblématique des femmes au pouvoir

Abla Pokou créa des cité-états organisées en huit clans :

Les Oualèbo, Nzikiplis, Saafwès, Faafwès, Ahitous, Nanafwès, Agbas et les N’gbans.

Considérée comme l’une des premières femmes gouverneure d’ethnies en Côte d’ Ivoire, la reine Abla Pokou offrit une place importante à la femme dans la société traditionnelle baoulé.

Elle initia par exemple les femmes à la danse adjanou, qui sous forme d’exorcisations, donnait à voir le pouvoir caché de la femme et chassait les mauvais esprits…

Voir Aussi: Anne Zingha, Puissante reine du Ndongo et du Matamba

La Rédaction

6 commentaires sur “La reine Abla Pokou : fondatrice du peuple Baoulé

  1. Question : Quel est le nom du fils sacrifié de la Reine Pokou?
    La Reine a t-elle eu d’autres enfants ?
    On entend rarement parler de son époux. Peut-on nous donner des informations sur lui?

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