Le docteur Du Bois contre le Racisme

Le docteur Du Bois contre le Racisme

Le docteur Du Bois, Sociologue, historien, auteur, éditeur et activiste américain qui fut le plus important leader de la contestation noire aux États-Unis au cours de la première moitié du XXe siècle.

Il a participé à la création de la National Association for the Advancement of Coloured People (NAACP) en 1909. Et a édité The Crisis, son magazine, de 1910 à 1934.

Son recueil d’essais The Souls of Black Folk (1903) est un repère de l’Afrique. Littérature américaine.

Violence raciale

À l’automne 1906, deux événements choquèrent les afro-américains et aidèrent Du Bois à prendre l’ascendant sur Washington.

Premièrement, le président Theodore Roosevelt dégrada 167 soldats noirs. En effet, après qu’ils eurent été accusés sur la base de preuves douteuses d’avoir assassiné un barman à Brownsville au Texas.

Beaucoup de ces soldats avaient servi durant 20 ans et certains étaient proches de la retraite. Ensuite, des émeutes éclatèrent à Atlanta à la suite d’accusations non fondées.

Accusations concernant l’agression de femmes blanches par des hommes noirs. Et du fait de tensions raciales liées à la compétition pour le travail entre les ouvriers blancs et noirs.

Les violences entraînèrent la mort de 25 personnes. À la suite de ces événements, Du Bois demanda à la communauté noire de retirer son soutien au parti républicain

Car les républicains, Roosevelt et William Howard Taft ne soutenaient pas les noirs.

La plupart des afro-américains avaient été loyaux au parti républicain depuis l’époque d’Abraham Lincoln.

Du Bois écrivit l’essai A Litany at Atlanta dans lequel il affirmait que les émeutes prouvaient que le compromis d’Atlanta était un échec. Car, malgré leur respect de l’accord, les noirs n’avaient pas obtenu de justice.

Le compromis cessa d’être en vigueur car, selon l’historien David Lewis, les propriétaires blancs de plantations qui avaient initialement accepté le compromis avaient été remplacés par des hommes d’affaires agressifs. Et qui voulaient monter les noirs contre les blancs.

Ces deux événements marquèrent un tournant pour la communauté afro-américaine. Et marquèrent la fin du compromis d’Atlanta de Washington et l’avènement de la vision pour l’égalité des droits défendue par Du Bois.

Travaux académiques

« On nous a dit : Soit noble et compétent et les portes te seront ouvertes. Aujourd’hui les voies d’avancement dans l’armée, la marine, la fonction publique et même dans les affaires et la vie professionnelle sont continuellement fermées aux candidats noirs de valeur établie simplement sur l’excuse éhontée de la race et de la couleur. »

— Du Bois, « Discours à la quatrième convention Niagara », 1908

docteur Du Bois

En plus de la rédaction d’éditoriaux, Du Bois continua de réaliser des études académiques à l’université d’Atlanta.

En 1909, après cinq ans d’efforts, il publia une biographie de John Brown. Avec de nombreux points de vue originaux mais égaiement quelques erreurs factuelles.

L’ouvrage fut violemment critiqué par The Nation appartenant à Oswald Villard. Un auteur qui rédigeait également une biographie de John Brown.

Le travail de Du Bois fut largement ignoré des spécialistes blancs.

Après avoir publié un article dans le magazine Collier’s annonçant la fin de la « suprématie blanche », il eut des difficultés pour faire publier ses articles par des grands périodiques.

Il continua néanmoins de rédiger des éditoriaux dans le journal The Horizon.

Du Bois fut le premier afro-américain invité par la Société américaine d’histoire (AHA) pour présenter un article à sa conférence annuelle.

Reconstruction and Its Benefits

Il fit la lecture de son article « Reconstruction and Its Benefits » devant une audience médusée en décembre 1909.

Le document allait contre la vision dominante. Vision selon laquelle la Reconstruction après la guerre de Sécession avait été un désastre. Et cela du fait de l’incompétence et de la paresse des noirs ;

Au contraire, Du Bois affirma que la brève période de direction afro-américaine dans le Sud avait permis d’obtenir trois points importants :

  • La démocratie,
  • La gratuité des écoles publiques
  • Et une nouvelle législation sociale.

L’article avançait également que:

  • C’était l’échec du gouvernement fédéral à gérer le Bureau des réfugiés, des affranchis et des terres abandonnées, chargé de distribuer des terres et de mettre en place un système éducatif, qui condamna les perspectives afro-américaines au Sud.

Lorsque Du Bois présenta l’article quelques mois plus tard pour une publication dans The American Historical Review, il demanda que le mot « Negro » porte une majuscule.

L’éditeur, John Franklin Jameson, refusa et publia l’article sans la capitalisation.

Le travail fut également ignoré par les historiens blancs. L’article évolua ensuite pour servir de base à son œuvre maîtresse de 1935, Black Reconstruction.

L’AHA n’invita pas d’autre conférencier afro-américain jusqu’en 1940.

Actions avec la NAACP

En mai 1909, Du Bois assista à la National Negro Conference à New York. Le rassemblement donna naissance au National Negro Committee. Présidé par Oswald Villard dont l’objectif était de faire campagne pour l’égalité des droits civiques et pour l’éducation.

Lors de la seconde National Negro Conference au printemps suivant, les participants fondèrent la National Association for the Advancement of Colored People. (NAACP, l’Association nationale pour l’avancement des gens de couleur).

Sur une suggestion de Du Bois, le mot « de couleur » fut utilisé plutôt que le mot « noir ». Cela pour inclure les « personnes à la peau foncée où qu’elles soient ».

Des douzaines de partisans des droits civiques, noirs et blancs, participèrent à la création. Mais la plupart des postes exécutifs étaient occupés par des blancs. Comme Mary White OvingtonCharles Edward RussellWilliam English Walling et son premier président, Moorfield Storey.

The Crisis

Les dirigeants de la NAACP offrirent à Du Bois la position de directeur de la publicité et de la recherche. Il accepta l’offre à l’été 1910 et déménagea à New York après avoir démissionné de l’université d’Atlanta.

Sa principale mission était d’éditer le mensuel de la NAACP qu’il appela The Crisis.

Le premier numéro fut publié en novembre 1910 et Du Bois annonça que son objectif était de présenter:

  • « Ces faits et arguments montrant le danger des préjugés racistes, particulièrement ceux manifestés aujourd’hui à l’encontre des personnes de couleur ».

Le journal eut un succès phénoménal et il s’en vendait 100 000 exemplaires en 1920.

Les articles figurant dans ces premières éditions critiquaient fréquemment l’esprit de clocher des églises noires. Et discutaient des origines africaines de la civilisation égyptienne.

Un véritable engagement

Un célèbre éditorial de Du Bois publié en 1911 initia un mouvement national pour demander au gouvernement fédéral l’abolition du lynchage.

Du Bois, avec le ton sarcastique qu’il employait souvent, commenta un lynchage en Pennsylvanie : 

« Le fait est qu’il est noir. La noirceur doit être punie. La noirceur est le crime des crimes… Il est par conséquent nécessaire, comme le savent tous les gredins blancs de la nation, de ne pas laisser passer une chance de punir ce crime des crimes. Si cela est possible, le prétexte doit bien sur être grand et écrasant ; quelque crime horrible rendu encore plus épouvantable par l’imagination des journalistes. Si cela n’est pas possible, le simple meurtre, l’incendie criminel ou les vexations feront l’affaire ».

The Crisis incluait des éditoriaux de Du Bois qui défendaient les idéaux du travail syndiqué. Mais condamnaient le racisme de ses dirigeants qui refusaient systématiquement l’adhésion des noirs.

Du Bois soutint également les principes du Parti socialiste (dont il fut brièvement membre de 1910 à 1912). Mais il dénonça également le racisme de certains de ses chefs.

Frustré par l’échec du président républicain Taft à légiférer sur le lynchage, Du Bois défendit le candidat démocrate Woodrow Wilson. En effet, lors de l’élection de 1912, il le fit en échange de son soutien pour les causes noires.

Droit des femmes et mariages interraciaux

Dans tous ses écrits, Du Bois défendit le droit de vote des femmes. Mais il avait des réticences à soutenir publiquement le mouvement des suffragettes. Car ses dirigeants refusaient de soutenir son combat contre l’injustice raciale.

Un éditorial de 1913 aborda le sujet tabou des mariages interraciaux :

  • Même si Du Bois considérait que les personnes se mariaient généralement dans leur propre communauté, il y voyait un problème pour les droits des femmes car des lois interdisaient à des hommes blancs d’épouser des femmes noires.

Du Bois écrivit que:

« les lois anti-métissage faisaient que les femmes noires ne pouvaient rien faire contre la lubricité des hommes blancs. Aux yeux de loi, les femmes noires sont réduites à la position de chiennes. Aussi bas que puisse tomber la fille blanche, elle peut contraindre son séducteur (NdT : violeur) à l’épouser… Nous devons tuer [les lois anti-métissage] non parce que nous sommes impatients de pouvoir épouser les sœurs de hommes noirs mais parce que nous voulons que les hommes blancs laissent nos sœurs tranquilles ».

En 1915 et 1916, certains dirigeants de la NAACP, inquiets des pertes financières de The Crisis et de la rhétorique enflammée de certains de ses écrits, tentèrent en vain d’évincer Du Bois de son poste de rédacteur en chef.

Historien et auteur

Les années 1910 furent une période productive pour Du Bois.

En 1911, il assista au First Universal Races Congress à Londres. Et il publia son premier roman, The Quest of the Silver Fleece.

Et, deux ans plus tard, il écrivit, produisit et dirigea une reconstitution historique, The Star of Ethiopia .

En 1915, il publia The Negro, une histoire des Africains noirs et le premier ouvrage de ce type en anglais.

Le livre rejetait l’idée d’infériorité africaine. Et il servit de base à la plupart des travaux d’historiographie africanocentrés au XXe siècle. 

The Negro, prédisait l’unité et la solidarité des peuples de couleur du monde entier. Et il influença de nombreux partisans du mouvement panafricain.

En 1915, le journal Atlantic Monthly publia un essai de Du Bois, The African Roots of the War. Ce dernier présentait ses idées sur le capitalisme et le racisme.

Il y affirmait que le partage de l’Afrique était la principale cause de la Première Guerre mondiale.

Il anticipait également la future doctrine communiste. En effet, en suggérant que les riches capitalistes avaient pacifié les ouvriers blancs. Cela en leur donnant juste assez de richesse pour les empêcher de se révolter. Et, en les menaçant avec la concurrence moins coûteuse des ouvriers de couleurs.

Combats contre le racisme

Du Bois exploita sa position influente à la NAACP pour s’opposer à de nombreux incidents racistes.

Lorsque le film muet Naissance d’une nation fut présenté en 1915, Du Bois et la NAACP firent campagne pour son interdiction. En effet, en raison de sa représentation des noirs comme violents et lubriques.

Le combat échoua et contribua peut-être au succès du film. Mais la publicité entraîna l’adhésion de nouveaux partisans à la NAACP.

Le secteur privé n’était pas la seule source de racisme :

  • Sous le président Wilson, la situation difficile des afro-américains dans les fonctions publiques s’aggrava. De nombreuses agences fédérales mirent en place des recrutements uniquement destinés aux blancs. Et, l’armée exclut les noirs des grades d’officier. De même, le service de l’immigration interdisaient l’entrée de personnes d’ascendance africaine.

Du Bois contre les Lynchages

En 1914, Du Bois écrivit un éditorial déplorant l’exclusion des noirs des postes fédéraux. Et il défendit le journaliste William Monroe Trotter lorsque ce dernier accusa violemment Wilson. En effet, accusé de ne pas avoir respecté ses promesses de justice envers les noirs.

The Crisis continua de faire campagne contre le lynchage. En 1915, il publia un article listant 2 732 lynchages ayant eu lieu entre 1884 et 1914.

L’édition d’avril 1916 couvrit le lynchage collectif de six afro-américains dans le comté de Lee en Géorgie. Également en 1916, l’article « Waco Horror » relata le lynchage de Jesse Washington. Et cela fut novateur dans son utilisation du journalisme. En effet, en le faisant sous couverture pour rapporter la conduite des blancs de Waco au Texas.

Le début du XXe siècle fut marqué par la Grande migration des noirs du Sud des États-Unis vers le Nord-Est, le Midwest et l’Ouest américain.

Du Bois écrivit un éditorial soutenant la Grande migration. Car il considérait qu’elle permettrait aux noirs:

  • D’échapper au racisme du Sud,
  • De trouver des opportunités économiques
  • Et de s’assimiler dans la société américaine.

Le mouvement eugéniste américain était encore jeune dans les années 1910. Et de nombreux eugénistes influents étaient ouvertement racistes, définissant les noirs comme une « race inférieure ».

Du Bois s’opposait à cette idée qu’il considérait comme une aberration non scientifique mais acceptait le principe de base de l’eugénisme :

  • Que des personnes différentes ont des caractéristiques innées. Caractéristiques qui les rendent plus ou moins adaptées à des emplois spécifiques. Et qu’en encourageant la procréation des membres les plus talentueux de chaque race, il serait possible d’« améliorer » la race humaine.

Première Guerre mondiale

Alors que les États-Unis se préparaient à entrer dans la Première Guerre mondiale en 1917, le collègue de Du Bois à la NAACP, Joel Elias Spingarn, créa un camp pour entraîner les Afro-américains à devenir officiers dans l’armée américaine.

L’idée était controversée car certains Blancs considéraient que les Noirs n’étaient pas compétents pour être officiers. Et certains Noirs refusaient que les Afro-américains participent à ce qu’ils considéraient être une guerre de l’homme blanc.

Du Bois défendit le camp d’entraînement de Spingarn. Mais fut déçu lorsque l’armée retira du service actif l’un de ses rares officiers noirs:

  • Charles Young, avec le prétexte d’une santé fragile.

L’armée accepta de créer 1 000 postes d’officiers pour les Noirs. Mais insista pour que 250 soient confiés à des hommes du rang subordonnés à des Blancs plutôt qu’à des esprits indépendants issus du camp de Spingarn.

Plus de 700 000 Noirs furent enrôlés dès le premier jour de la conscription. Mais ils furent soumis à des mesures discriminatoires qui firent l’objet de virulentes protestations de la part de Du Bois.

The Massacre of East St. Louis

Après les émeutes de East Saint Louis dans l’Illinois à l’été 1917, Du Bois se rendit sur place pour enquêter.

Entre 40 et 250 Afro-américains avaient été massacrés par des Blancs principalement. Car les industries de Saint-Louis avaient embauché des Noirs pour remplacer les ouvriers blancs en grève.

Du Bois relata les émeutes dans l’article « The Massacre of East St. Louis », publié dans l’édition de septembre de The Crisis, qui contenait des photographies et des entretiens détaillant les violences.

L’historien David Levering Lewis conclut que Du Bois déforma certains faits pour augmenter l’impact de l’article. Pour démontrer la colère de la communauté noire, Du Bois organisa la Silent Parade. Qui rassembla environ 9 000 Afro-américains sur la Cinquième Avenue de New York.

Il s’agissait de la première parade de ce type à New York. Et la deuxième manifestation publique de Noirs pour les droits civiques.

L’émeute de Houston

L‘émeute de Houston en 1917 perturba Du Bois. Et, fut un revers important aux efforts pour permettre aux Afro-américains de devenir officiers.

L’émeute éclata après que la police de Houston eut arrêté et battu deux soldats noirs ; en réponse, plus de 100 soldats noirs descendirent dans la rue et tuèrent 16 Blancs.

À la suite d’un jugement en cour martiale, 19 soldats furent pendus et 67 emprisonnés.

Malgré l’émeute de Houston, Du Bois et d’autres continuèrent leurs pressions sur l’armée. Cela, pour qu’elle accepte des officiers entraînés au camp de Spingarn.

Les efforts portèrent leur fruits

Leur combat fut couronné de succès et 600 officiers rejoignirent l’armée en octobre 1917.

Les fonctionnaires fédéraux, inquiets des opinions subversives exprimées par les dirigeants de la NAACP, tentèrent d’intimider la NAACP en la menaçant avec des enquêtes.

Du Bois ne fut pas intimidé et en 1918, il prédit que la Première Guerre mondiale déboucherait sur le renversement des systèmes coloniaux européens. Et à la libération des peuples de couleur dans le monde entier.

Le président de la NAACP, Joel Spingarn, était enthousiaste au sujet de la guerre. Et il persuada Du Bois d’envisager un poste d’officier dans l’armée. Mais, à la condition qu’il écrive un éditorial rejetant sa position pacifiste.

Du Bois accepta le marché et il écrivit l’éditorial « Close Ranks » en juin 1918. Et peu après il fut nommé officier dans l’armée au sein du renseignement militaire.

De nombreux dirigeants noirs, qui voulaient utiliser la guerre pour faire pression en faveur des droits civiques, critiquèrent Du Bois et son soudain changement d’opinion.

Les officiers sudistes dans l’unité de Du Bois rejetèrent sa présence. Et sa commission fut rapidement retirée avant qu’il n’ait véritablement commencé son service.

Après la guerre

À la fin de la guerre, Du Bois se rendit en Europe en 1919 pour assister au premier Congrès panafricain. Ainsi, il pourrait s’entretenir avec des soldats afro-américains en prévision d’un livre sur leur expérience de la guerre.

Il était suivi par des agents américains qui cherchaient des preuves d’activités déloyales.

Du Bois découvrit que la majorité écrasante des soldats noirs américains était reléguée à des tâches subalternes loin du front.

Certaines unités étaient armées et une en particulier, la 92e division d’infanterie, participa aux combats.

Du Bois documenta l’étendue du racisme dans l’armée. Il conclut que le commandement décourageait les Afro-américains de rejoindre l’armée, discréditait les réussites des soldats noirs et promouvait l’intolérance.

À son retour aux États-Unis, Du Bois était plus déterminé que jamais à obtenir les mêmes droits pour les afro-américains. Les soldats noirs revenant d’Europe se sentaient plus forts et représentaient une nouvelle attitude appelée New Negro.

Dans l’éditorial « Returning Soldiers », il écrivit: 

« Mais, par Dieu, nous sommes des lâches et des crétins si, maintenant que la guerre est finie, nous ne rassemblons pas chaque once de notre cerveau et de nos muscles pour mener une bataille plus longue, plus dure et plus intransigeante contre les forces de l’enfer dans notre propre pays ».

L’Été rouge

De nombreux noirs déménagèrent dans les villes du Nord pour trouver du travail et certains ouvriers blancs craignaient cette compétition.

Cette lutte pour le travail fut l’une des principales causes de l’Été rouge de 1919. Une série d’émeutes raciales au cours desquelles plus de 300 afro-américains furent tués dans plus de 30 villes.

Du Bois documenta les atrocités dans les colonnes de The Crisis. Et, il publia en décembre une photographie d’un lynchage ayant eu lieu lors de l’émeute à Omaha dans le Nebraska.

L’épisode le plus monstrueux de l’Été rouge eut lieu à Elaine dans l’Arkansas où près de 200 noirs furent assassinés.

Les rapports sudistes accusaient les noirs et avançaient qu’il s’agissait d’un complot pour renverser le gouvernement.

Ulcéré par ces mensonges, Du Bois publia une lettre dans le New York World. Et, affirmant que le seul crime commis par les métayers noirs avait été d’avoir osé défier les propriétaires terriens blancs. Cela en engageant un avocat pour enquêter sur les irrégularités contractuelles.

Plus de 60 Noirs survivants furent arrêtés, jugés et condamnés pour conspiration au cours d’un procès expéditif.

Une procédure d’appel appelée Moore v. Dempsey fut ensuite présentée devant la Cour suprême des États-Unis.

Du Bois rallia les noirs de tous les États-Unis pour lever des fonds en faveur de la défense et six ans plus tard, la Cour, présidée par Oliver Wendell Holmes Jr., annula les condamnations.

Si la victoire judiciaire eut peu d’impact immédiat sur la justice des noirs dans le Sud, elle marqua la première utilisation fédérale du XIVe amendement garantissant un procès équitable pour empêcher les états de protéger les violences perpétrées contre les noirs.

Darkwater

En 1920, Du Bois publia Darkwater:

  • Voices From Within the Veil (Eaux troubles : Voix de derrière le voile), la première de ses trois autobiographies.

Le « voile » était celui recouvrant les peuples de couleur autour du monde et avec ce livre, il espérait retirer ce voile et montrer aux lecteurs blancs à quoi ressemblait la vie derrière ce voile et comment il modifiait le point de vue de ceux regardant à travers dans les deux sens.

Le livre contenait l’essai féministe de Du Bois, « The Damnation of Women », qui était un hommage à la dignité et à la valeur des femmes, particulièrement les femmes noires.

Préoccupé par le fait que les livres d’école destinés aux enfants afro-américains ignoraient l’histoire et la culture noire, Du Bois créa un mensuel pour enfants, The Brownies’ Book. Publié à partir de 1920, il était destiné aux enfants noirs que Du Bois appelait « enfants du soleil.

Panafricanisme et Marcus Garvey

Marcus Garvey

Du Bois se rendit en Europe en 1921 pour assister au second Congrès panafricain.

Des intellectuels noirs du monde entier publièrent les Résolutions de Londres et établirent un quartier-général de l’association panafricaine à Paris.

Sur les conseils de Du Bois, les résolutions insistaient sur l’égalité raciale et sur le fait que l’Afrique devait être gouvernée par les Africains (non avec le consentement des Africains comme cela était indiqué lors du Congrès de 1919).

Du Bois reprit les résolutions du Congrès dans son Manifesto To the League of Nations qui implorait sans grand succès la nouvelle Société des Nations de nommer des Africains à des postes clés.

Lui-même et les autres participants au congrès sont surveillés par les services de renseignement américain et français.

Un autre chef afro-américain important des années 1920 était Marcus Garvey, promoteur du mouvement Back to Africa (« Retour en Afrique ») et fondateur de l’Universal Negro Improvement Association and African Communities League (UNIA).

Garvey s’opposait aux efforts de Du Bois visant à obtenir l’égalité via l’intégration et défendait le séparatisme racial.

Du Bois soutient initialement le concept de Garvey d’une « Black Star Line » (par opposition à la White Star Line). Une compagnie maritime devant faciliter le commerce au sein de la diaspora africaine.

Par la suite, Du Bois s’inquiéta du fait que Garvey posait une menace aux efforts de la NAACP et Du Bois le qualifia d’imprudent et de fraudeur.

L’« Afrique aux Africains »

Au sujet du slogan l’« Afrique aux Africains » de Garvey, Du Bois déclara qu’il défendait l’idée mais s’opposait à la volonté de Garvey d’une Afrique gouvernée par les afro-américains.

Du Bois écrivit une série d’articles dans The Crisis entre 1922 et 1924 attaquant le mouvement de Garvey et le qualifiant d’« ennemi le plus dangereux de la race nègre en Amérique et dans le monde ».

Du Bois et Garvey ne firent jamais aucune tentative sérieuse de collaboration et leur dispute trouve en partie ses racines dans le désir de leurs organisations respectives (NAACP et UNIA) de contrôler une plus grande partie des financements disponibles.

Un combat commun

La décision de l’université Harvard d’exclure les noirs de ses dortoirs en 1921 fut dénoncée par Du Bois comme un exemple du large effort aux États-Unis pour renouveler le « culte anglo-saxon ; la vénération du totem nordique, le retrait des droits des nègres, des juifs, des Irlandais, des Hongrois, des Asiatiques et des insulaires des mers du Sud. La domination mondiale du blanc nordique par la force brute ».

Lorsque Du Bois se rendit en Europe en 1923 pour participer au troisième Congrès panafricain, la distribution de The Crisis était tombée à 60 000 exemplaires après un maximum de 100 000 durant la guerre mais le journal restait le principal périodique du mouvement des droits civiques.

Le président Calvin Coolidge nomma Du Bois en tant qu’« émissaire extraordinaire » au Liberia et après la fin du Congrès, Du Bois embarqua à bord d’un cargo allemand aux îles Canaries et visita le Liberia, la Sierra Leone et le Sénégal.

Du Bois promouvait fréquemment la créativité artistique afro-américaine dans ses écrits et lorsque la Renaissance de Harlem commença au milieu des années 1920.

Son article « A Negro Art Renaissance » célébrait la fin du long éloignement des noirs des activités créatrices.

Son enthousiasme pour la Renaissance de Harlem disparut quand il vint à croire que de nombreux blancs visitaient Harlerm par voyeurisme plutôt que par véritable appréciation de l’art noir.

Du Bois insista pour que les artistes reconnaissent leurs responsabilités morales en écrivant qu’un « artiste noir est avant tout un artiste noir ».

Il s’inquiétait également du fait que les artistes noirs n’utilisaient pas leur art pour promouvoir des causes noires et il déclara « Je me fiche de tout art qui n’est pas utilisé pour la propagande ».

À la fin de l’année 1926, il cessa d’utiliser The Crisis pour soutenir les arts.

Socialisme

Neuf ans après la Révolution russe de 1917, Du Bois prolongea un voyage en Europe pour visiter l’Union des républiques socialistes soviétiques.

Il fut frappé par la pauvreté et la désorganisation qu’il découvrit mais fut impressionné par l’intense travail des fonctionnaires et par la reconnaissance accordée aux travailleurs.

Même si Du Bois n’était pas encore familiarisé avec les théories communistes de Karl Marx ou de Vladimir Ilitch Lénine, il conclut que le socialisme serait un meilleur chemin vers l’égalité raciale que le capitalisme.

Du Bois défendait généralement les principes socialistes mais ses idées étaient beaucoup plus réformistes que révolutionnaires ; il ne croit pas en la capacité des communistes à transformer du jour au lendemain les mentalités et les structures économiques.

En 1929, Du Bois soutint le candidat démocrate Jimmy Walker pour la mairie de New York contre le candidat socialiste Norman Thomas. Car il considérait que la victoire de Walker serait plus bénéfique pour les noirs même si la plateforme de Thomas était plus en accord avec ses idées.

Tout au long des années 1920, Du Bois et la NAACP hésitèrent entre les partis républicain et démocrate et se prononçaient pour les candidats promettant:

  • De s’opposer aux lynchages,
  • D’améliorer les conditions de travail
  • Ou de défendre les droits civiques dans le Sud ;

Mais, malheureusement, les candidats ne respectaient pas leurs promesses.

Le parti communiste

En 1931, la NAACP se retrouva en concurrence avec le Parti communiste lorsque ce dernier réagit rapidement pour soutenir les Scottsboro Boys, neuf jeunes afro-américains accusés de viol en Alabama.

Du Bois et la NAACP considéraient que l’affaire ne serait pas bénéfique pour leur cause et ils choisirent de laisser le Parti communiste organiser leur défense.

Du Bois fut impressionné par la vaste quantité d’argent et de publicité que les communistes allouèrent aux efforts partiellement couronnés de succès de la défense. Et il en vint à suspecter les communistes de vouloir présenter leur parti comme une meilleure alternative à la NAACP auprès des afro-américains.

En réponse aux critiques de la NAACP émanant du Parti communiste, Du Bois écrivit des articles condamnant le parti, affirmant qu’il avait attaqué injustement la NAACP et qu’il ne parvenait pas à prendre conscience de l’ampleur du racisme aux États-Unis.

Les chefs communistes accusèrent Du Bois d’être un « ennemi de classe » et affirmèrent que la direction de la NAACP était une élite isolée déconnectée de la classe ouvrière noire pour laquelle ils se battaient.

Retour à Atlanta

Du Bois ne s’entendait pas bien avec Walter White, le directeur de la NAACP à partir de 1931.

Ce conflit, associé aux difficultés financières de la Grande Dépression, provoqua une lutte de pouvoir pour la direction de The Crisis.

Du Bois, inquiet d’une possible suppression de son poste de rédacteur en chef, démissionna et accepta un poste académique à l’université d’Atlanta au début de l’année 1933.

Le fossé avec la NAACP s’agrandit en 1934 lorsque Du Bois révisa sa position sur la ségrégation, avançant qu’une égalité des droits au prix d’une séparation était un objectif acceptable pour les afro-américains.

La direction de la NAACP fut choquée et demanda à Du Bois de retirer sa déclaration ; il refusa et la dispute mena à sa démission.

Après son arrivée à Atlanta, Du Bois écrivit une série d’articles généralement favorables au marxisme.

Il n’était pas un ardent défenseur des syndicats ou du Parti communiste mais il considérait que l’explication scientifique de la société par Marx était utile pour expliquer la situation des afro-américains aux États-Unis.

L’athéisme de Marx trouva également un écho favorable chez Du Bois qui critiquait fréquemment les églises noires qui selon lui affaiblissaient la sensibilité au racisme des noirs.

Dans ses écrits de 1933, Du Bois embrassa le socialisme mais affirma que le « travail de couleur n’a rien à voir avec le travail blanc ».

Une position controversée qui trouvait son origine dans le rejet de Du Bois des syndicats américains qui avaient refusé l’adhésion des noirs durant des décennies.

Du Bois ne soutint pas le Parti communiste américain et il ne vota pas pour son candidat lors de l’élection présidentielle de 1932 malgré la présence d’un afro-américain, James Ford, candidat à la vice-présidence sur le ticket.

Black Reconstruction in America

De retour dans le monde académique, Du Bois fut capable de reprendre son étude de la Reconstruction, le sujet de son article de 1910 présenté devant l’association américaine d’histoire.

En 1935, il publia son œuvre maîtresse, Black Reconstruction in America. Le livre présentait la thèse, dans les mots de l’historien David Levering Lewis, selon laquelle: 

« Les noirs, obtenant soudainement la citoyenneté dans un environnement d’une hostilité sauvage, démontrèrent une volonté et une intelligence admirable de même que l’indolence inhérente à trois siècles de servitude ».

Du Bois documenta le rôle central joué par les noirs dans la Guerre de Sécession et la Reconstruction et montra comment ils firent des alliances avec les politiciens blancs.

Il apporta les preuves que cette coalition établit l’éducation publique au Sud ainsi que de nombreux programmes sociaux indispensables.

Le livre démontrait également la façon dont l’émancipation des noirs, la pierre angulaire de la Reconstruction, annonçait de profonds changements dans la société américaine mais également comment et pourquoi le pays ne parvint pas à faire appliquer les droits civiques des noirs à la suite de la Reconstruction.

La thèse du livre allait à l’encontre de l’interprétation orthodoxe de la Reconstruction défendue par les historiens blancs et le livre fut quasiment ignoré des historiens jusque dans les années 1960.

Il déclencha cependant une tendance « révisionniste » dans l’historiographie de la Reconstruction. Qui mettait l’accent sur la quête de liberté des noirs et les changements politiques radicaux de l’époque.

Au XXIe siècle, Black Reconstruction est largement considéré comme le « texte fondateur de l’historiographie révisionniste afro-américaine ».

La Rédaction

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