Poème de Guyane : Solde de Léon-Gontran Damas

Poème de Guyane : Solde de Léon-Gontran Damas

Le poète et politicien français Léon-Gontran Damas (1912 – 1978) est cofondateur de la Négritude.

En effet, né en Guyane française, il rencontre Aimé Césaire et Léopold Senghor avec lesquels il publie la revue littéraire L’étudiant noir.

Etudiant Noir

Et ce fut le tremplin de la Négritude, mouvement littéraire et idéologique rejetant la domination politique et sociale occidentale.

“Le mouvement de la négritude est un mouvement qui affirme la solidarité des noirs que j’appelais de la Diaspora avec le monde africain. Vous savez, on n’est pas impunément noir, et que l’on soit français: – De culture française – Ou que l’on soit de culture américaine, il y a un fait essentiel : à savoir que l’on est noir, et que cela compte. Voilà la négritude.”
Aimé Césaire

Aimé Césaire, novembre 1969, dans Un poète politique : Aimé Césaire, Magazine littéraire, n° 34, François Beloux.

Élu à l’Assemblée Nationale française, éditeur de Présence africaine, professeur à Georgetown et à Howard. Et, sa poésie se distingue par sa franchise, son rythme staccato, son langage simple et ses images fortes.

Son style révèle allitérations, et énumérations créant une poésie rythmée où l’exil, le retour, et l’identification raciale sont explorés.

Pour Aimé Césaire

J’ai l’impression d’être ridicule
dans leurs souliers
dans leurs smoking
dans leur plastron
dans leur faux-col
dans leur monocle
dans leur melon.
J’ai l’impression d’être ridicule
avec mes orteils qui ne sont pas faits
pour transpirer du matin jusqu’au soir qui déshabille
avec l’emmaillotage qui m’affaiblit les membres
et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe
J’ai l’impression d’être ridicule
avec mon cou en cheminée d’usine
avec ces maux de tête qui cessent
chaque fois que je salue quelqu’un
J’ai l’impression d’être ridicule
dans leurs salons
dans leurs manières
dans leurs courbettes
dans leur multiple besoin de singeries
J’ai l’impression d’être ridicule
avec tout ce qu’ils racontent
jusqu’à ce qu’ils vous servent l’après-midi
un peu d’eau chaude
et des gâteaux enrhumés
J’ai l’impression d’être ridicule
avec les théories qu’ils assaisonnent
au goût de leurs besoins
de leurs passions
de leurs instincts ouverts la nuit
en forme de paillasson
J’ai l’impression d’être ridicule
parmi eux complice
parmi eux souteneur
parmi eux égorgeur
les mains effroyablement rouges
du sang de leur ci-vi-li-sa-tion

Léon-Gontran Damas, Pigments.

Névralgies, 1972, éd. Présence Africaine

Voir Aussi: Poeme-de-martinique-garcon

La Rédaction

2 commentaires sur “Poème de Guyane : Solde de Léon-Gontran Damas

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