Conte Lobi – L’homme doit cultiver pour manger
À l’origine du monde, disent les Lobi, étaient Koùnn et sa femme Khèr.
D’où venaient-ils?
Descendaient-ils du ciel ou avaient-ils émergé du plus profond de la terre?
Ce que l’on sait, c’est que seul Tangba, Dieu, les précédait.
Koùnn et Khèr eurent une progéniture nombreuse. Les hommes ne souffraient ni de la faim, ni du froid; ils ne bâtissaient pas de maison et n’avaient pas à travailler aux champs.
Pour se nourrir, il leur suffisait de couper un morceau du ciel qui vivait sur le sol à cette époque des origines, et de le faire cuire dans une poterie.
Mais il fallait que la poterie fut soigneusement fermée, car une seule condition leur était imposée par Tangba :
- Les humains ne devaient pas voir le ciel en train de cuire !
Un jour Koùnn cuisinait, mais un besoin pressant le prit: Il dût aller derrière un buisson pour faire pipi.
Sa femme, Khèr, profita de son absence pour soulever le couvercle de la marmite. Car elle était curieuse Khèr!
Le tonnerre aussitôt éclata. Le ciel s’enfuit: il monta, et c’est depuis lors qu’il est si haut, hors de portée des hommes.
Désormais, les humains eurent faim. Ils broutèrent l’herbe comme les vaches, ils dévorèrent les feuilles des arbres, ils avalèrent les insectes comme les oiseaux.. ,
Ils souffraient à chercher leur pitance jour après jour.
Comme il parcourait la brousse en recherchant à manger, un jour Koùnn rencontra une procession de founnis, chacune chargée d’une graine.
« Pourquoi mes enfants ne pourraient-ils pas manger aussi de cela? », se dit Koùnn.
Il éventra la fourmilière et se saisit de ce qui était entreposé dans ses hangars souterrains.
C’est ainsi que les premiers hommes découvrirent le mil, le sorgho, le maïs, les arachides et les haricots qu’ils récoltaient dans la brousse au hasard de leurs courses.
Mais la faim reprit la famille de Koùnn et Khèr qui s’adressèrent à Tangba, si humblement que Dieu se laissa fléchir.
Tangba envoya sur terre un de ses fils qui parla aux hommes:
« Vous avez été désobéissants! On ne peut oublier votre faute! Mais mon Père vous veut du bien malgré toute votre indignité. Prenez cette houe, prenez-la, ouvrez la terre et, à la première pluie, plantez les graines qui vous restent. Vous vivrez et vousmultiplierez, mais par le travail! »
Le ton de sa voix était presque un anathème.
La première houe, don de Dieu, était gigantesque, mais comme les hommes l’étaient aussi, ils purent la manier.
Koùnn et ses fils creusèrent la terre: c’est nos vallées d’aujourd’hui; ils furent des billons, ce sont les collines du pays lobi de maintenant.
Aujourd’hui, qui regarde autour de lui voit le travail de Koùnn, de Khèr et de leurs enfants. Nous, qui descendons d’eux, avons perdu leur taille immense mais nous labourons toujours la terre avec la houe que Dieu nous a donnée et nous plantons les grains trouvés par Koùnn chez nos amies les fourmis.
Ainsi récoltons-nous pour que la faim ne ravage pas nos maisons et décime nos familles. Moi, Koulansouonthé, qui raconte cette histoire du pays lobi, je remets ce conte où je l’ai trouvé.
Que ceux qui ne sont pas Lobi comme moi me disent comment ce monde est né selon eux.
Je sais qu’ils diront d’une autre manière que si l’homme et la femme travaillent, c’est parce qu’ils ont désobéi et que s’ils ont désobéi et continuent de désobéir, c’est par curiosité…
Or, la curiosité est un vilain défaut!
Voir Aussi: Conte de Haïti – Les œufs de la cane Calandéric