Les trois choix du marabout – Conte Peul

Les trois choix du marabout – Conte Peul

Un marabout très pieux s’était retiré du commerce des hommes. Accompagné de son épouse, il était allé se réfugier dans une grotte située au flanc d’une montagne.

Et là, il priait nuit et jour, prenant peu de nourriture et ne s’accordant aucun plaisir.

Alors, Dieu eut compassion de son ascète. Il envoya vers lui un ange du ciel.

  • Dieu te salue par ma bouche, dit l’ange.
  • Loué soit mon Maître et Créateur ! répondit l’ascète.
  • Dieu veut te plaire, reprit l’ange. Aussi te donne-t-il à choisir les trois choses qui te tiennent le plus à coeur. Il les réalisera pour toi.

Le Choix de l’épouse du marabout

Ainsi, le marabout s’en fut trouver sa femme. Et il lui conta l’évènement merveilleux qui venait de se produire et lui demanda ce qu’il fallait solliciter du Dieu Tout-Puissant.

Or l’épouse du marabout était une femme très laide. Elle dit à son mari :

  • Avant toute autre faveur, demande à Dieu de me rendre belle, plus belle que la gazelle du désert, plus brillante que l’étoile du matin, plus souple que le roseau des rives fleuries du grand fleuve. Laide comme je le suis, je suis indigne d’un homme dont la piété a trouvé grâce auprès de Dieu. Ceux qui viendront baiser les traces de tes pas doivent me trouver à tes côtés telle une vraie Houri du Paradis ! Quand aux deux autres choses à demander à Dieu, nous aviserons par la suite.

Alors, le marabout revint auprès de l’ange et lui dit :

  • Retourne auprès de mon Seigneur Dieu et dis-lui que je lui demande de recréer mon épouse sous l’aspect d’une femme belle et sans pareille.

Ainsi, Dieu recréa la femme du marabout et en fit le prototype même de la beauté féminine.

Le lendemain matin, au réveil, quand la femme se vit dans son miroir, elle fut incapable de se reconnaitre. Elle ne pouvait détacher ses yeux de sa propre image. Au bout d’un long moment, elle finit par revenir à elle. Aussitôt, elle ramassa en hâte toutes ses affaires et entreprit de déménager en ville.

Alors, le marabout, tout étonné, vit sa femme chargée de bagages quitter la grotte. Il lui demanda où elle allait.

  • M’as-tu bien regarder ? répliqua sa femme. Avec une aussi grande beauté, puis-je continuer à vivre dans une grotte aux côté d’un homme dont l’âme ne redescend jamais sur terre ? Si tu veux que je reste ta femme, quitte ton ermitage et viens avec moi. Sinon, libre à moi d’aller me donner à qui saura profiter de mes charmes et me faire goûter les joies de la vie.

Le retour en Ville

Le marabout abandonna sa retraite et suivit sa femme.

En effet, une fois en ville, le ménage s’installa. La réputation de beauté de la femme ne tarda pas à parvenir aux oreilles du Roi et de ses courtisans, si bien qu’en peu de temps la maison du saint homme devint un lieu de rencontres galantes.

Le marabout était tenu à l’écart de ces réjouissances. A la fin, il fut même chassé de son foyer.

Honteux et confus d’avoir sacrifié ses nombreuses années d’ascèse et d’adoration aux caprices d’une femme, il retourna dans sa grotte. Il se souvint alors qu’il avait encore deux autres faveurs à demander. Mordu par la jalousie, et le désir de se venger, oubliant le mérite attaché au pardon, il se mit en prière pour demander à Dieu de châtier son épouse ingrate et infidèle.

Le Châtiment

Dieu exauça sa prière.

Le lendemain matin, lorsque son épouse se réveilla dans sa jolie maison et qu’elle se contempla dans son miroir, elle se trouva transformée en un être difforme, si repoussant que même les chiens et les chats s’enfuyaient devant elle.

Les soupirants désertèrent la maison dévergondée, et force fut pour la femme métamorphosée en monstre de chercher asile chez ses parents.

Ceux-ci, malgré toute la honte et la peine qu’ils éprouvaient de la conduite de leur fille, entreprirent des démarches auprès du marabout afin qu’il use de la troisième et dernière faveur qui lui restait pour faire recouvrer à son épouse sa forme initiale.

Le marabout se laissa attendrir. Il se mit en prière, demandant à Dieu de redonner à sa femme son aspect naturel. Dieu l’exauça.

Une fois redevenue ce qu’elle était, la femme, toute contrite, dit à son époux :

Déjà, notre mère Eve a fait sortir notre père Adam du Paradis. Quant à moi, hélas, je t’ai fait âcher les trois possibilités qui auraient pu faire tout notre bonheur dans ce monde et dans l’autre ! ….

Amadou Hampâté BÂ extrait de La Poignée de Poussière

La Rédaction

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