Taytu Betul, chef de guerre et « Lumière » de l’Éthiopie
Taytu Betul, née Wälättä Mikael vers 1851 dans le Semien, près de Tigray, est une noble éthiopienne. Elle fut une remarquable reine et impératrice (Etégé) de l’Empire éthiopien de 1889 à 1913.
Elle est la fille de Weyzero Yewobdar, d’une famille noble éthiopienne. Et son père est le Ras Bitul Hayle Mariam, gouverneur de la province du Semien.
En effet, descendante d’une ancienne famille noble du nord de l’Éthiopie, elle reçoit une éducation traditionnelle orthodoxe.
Elle étudie également des matières l’enrichissant sur le plan politique. Telle que les affaires étrangères, la diplomatie. Ce qui est peu fréquent à l’époque pour une femme, en Afrique ou ailleurs.
Sa famille est liée à la dynastie salomonide (se réclamant du roi Salomon et de la Reine de Saba). Taytu est la troisième de quatre enfants, deux frères et deux sœurs, qui arrive tous à l’âge adulte.
Après quatre mariages, Taytu Betul épouse en avril 1883 le roi du Choa Sahle Myriam. Qui, tout aussi ambitieux qu’elle, avait besoin de soutien dans le nord du pays.
Ainsi renforcé, Sahle Myriam devient roi des rois d’Éthiopie en 1889 sous le nom Menelik II.
Taytu Betul devient alors une des femmes les plus influentes de son époque.
Jeunesse et éducation de Taytu Betul
Taytu Betul reçoit une éducation religieuse poussée, comme la plupart des jeunes filles de la noblesse chrétienne locale.
Elle étudie également l’amharique, le droit, les affaires internationales et la politique.
Taytu, est également préparée au mariage très tôt, son premier ayant lieu dès ses 10 ans avec un officier de l’empereur Téwodros II.
Les informations sur sa jeunesse et son adolescence restent cependant rares.
Son premier mari est emprisonné lors d’une campagne militaire.
Taytu Betul se marie donc une seconde fois, avec le « dejazmach » Taklé Guiorguis, dont elle se sépare afin d’épouser un homme plus riche et plus puissant.
Ce nouveau mariage échoue après qu’elle a poussé son mari à se révolter contre Yohannes IV.
Le complot est découvert et elle est obligé de réaliser un mariage de moins grand prestige avec un simple soldat.
Après ces quatre mariages peu concluant, Taytu épouse un sous-officier de Sahle Maryam, négus du Choa.
Taytu Betul connaît donc plusieurs mariages avant de rencontrer et d’épouser le futur empereur.
Mariage avec Sahle Maryam
Lorsque Sahle Maryam, le dirigeant du Choa, rencontre Taytu Betul son mariage avec sa première femme, la princesse Altash, fille de l’empereur Téwodros II, est terminé.
Il est épris alors de la courtisane Bafana, vite évincée par l’arrivée de Taytu Betul. En effet célèbre pour ses doigts fins et son teint clair lié à sa descendance oromos.
Ainsi, Taytu Betul et Sahle Maryam se marient en avril 1883.
Ce mariage unit deux personnes aux ambitions fortes et possédant des atouts complémentaires pour leurs accessions au pouvoir impérial.
Le grand sens politique et leadership de Taytu, est complété par un atout géographique.
En effet la famille de la future impératrice dispose d’un appui dans le nord. Lieu d’origine des deux précédents empereurs, Téwodros II et Yohannes IV.
Les habitants du nord étaient donc valorisés en ce qui concerne l’accession au trône. Elle amène au mariage également une grande richesse.
En effet, par le biais de terres agricoles et de pâturages et un vaste réseau de clientèle grâce à ses parents.
Sahle Maryam vient du sud, ce mariage avec Taytu, lui apporte alors une légitimité locale.
De son côté, Taytu Betul fait preuve d’une grande ambition politique.
Et voit de ce mariage un moyen d’accéder à court terme au pouvoir impérial.
Negus du Choa, Sahle Maryam revendique en effet le trône éthiopien. Cela grâce à une de ses lignés remontant officiellement au roi Salomon et la reine de Saba.
En effet, un atout nécessaire selon le Kebra Nagast, un recueil de tradition et de lois éthiopiennes.
Taytu Betul sait par ailleurs qu’outre ses atouts matériels, sa grande intelligence et un esprit vif en politique lui permettrait d’aider son époux à atteindre son but et ensuite de jouer un rôle dans la gestion du pays.
Cette union est donc un acte mûrement réfléchi des deux côtés.
Taytu Betul L’avènement d’une Etege
Réputée pour son caractère autoritaire et sa grande détermination, Taytu se rend impopulaire à la cour contrairement à son époux.
En 1886, charmée par le paysage dans la région de la future Addis-Abeba, Taytu demande à son époux d’y faire construire la résidence impériale.
C’est le premier bâtiment de la future capitale de l’Ethiopie.
En effet, capitale dont le nom, signifiant « la nouvelle fleur » est choisi par la reine.
En 1889, l’empereur d’Abyssinie meurt et, soutenu par la noblesse éthiopienne, Ménélik II lui succède.
Taytu et son époux deviennent impératrice et empereur (Negus Negest, « roi des rois ») d’Abyssinie.
Exerçant un véritable pouvoir politique, elle s’oppose notamment au courant qui souhaite développer l’Abyssinie sur le modèle des pays occidentaux.
Méfiante envers leurs intentions, elle s’oppose fréquemment aux Européens.
En effet, dans un contexte plus international, la nouvelle impératrice s’implique fortement dans le refus du colonialisme européen.
Cette fin du xixe siècle est celle de l’expansion coloniale tous azimuts en Afrique.
Taytu Betul se démarque par sa réticence envers les Européens et les mesures qu’elle fait prendre à son époux contre les empiétements de souveraineté revendiqués par les légations étrangères.
L’impératrice mène la faction anti-européenne, qui s’opposait à la tentative de collaboration de l’empereur Ménélik II avec les Européens.
En effet, elle soutient une action armée contre les Italiens, et le renvoi des Européens du territoire.
Cependant, bien qu’elle n’ait aucune sympathie envers les Européens, allant jusqu’à dire qu’elle ne pouvait supporter leurs odeurs, Taytu Betul invitait les Européens à des événements royaux, tout en restant méfiante de ceux-ci.
Le seul avantage qu’elle leur trouvait était sur la situation des femmes en Europe.
Grandes victoires de guerre du couple royale
En période de colonisation de l’Afrique par les puissances européennes, la Corne de l’Afrique attise les convoitises.
Le radicalisme de son épouse et les actions belliqueuses des Italiens conduisent Menelik à dénoncer en 1893 le traité de Wuchale qu’il avait signé quatre ans plus tôt, celui-ci comportant des différences de taille entre les versions amharique et la version italienne, qui faisait de son empire un protectorat italien.
Implanté en Afrique de l’Est depuis 1869, le royaume d’Italie a conquis l’Érythrée en 1890 et décide d’envahir l’Ethiopie en 1895.
Lorsque la diplomatie céda la place à la guerre, elle marcha à la tête de son propre bataillon, aux côtés de son époux.
C’est elle qui conçut le plan à l’origine de la victoire éthiopienne à Makalle, et sa présence fut déterminante pour remporter un autre triomphe à Adwa en 1896, le plus significatif de toute l’Afrique au plus fort du colonialisme européen.
Taytu et son époux participent en personne à la bataille décisive d’Adoua qui voit, en mars 1896, la victoire des Ethiopiens et la fin de la première guerre italo-éthiopienne.
Elle y dirige des hommes ainsi que des infirmières pour venir en aide aux blessés.
En effet, le 1er mars 1896, ses troupes défont les Italiens à Adoua, dans le Tigray.
Ainsi, après la bataille d’Adoua ils acquièrent une légitimité incontestée et apparaissent aux yeux des Européens comme les leaders à respecter d’un État africain moderne exempter du « devoir de colonisation ».
La chute du pouvoir
Trois attaques d’apoplexie, en 1906, 1908 et 1909, laissent Ménélik paralysé et presque incapable de parler.
Taytu Betul s’implique encore plus dans la prise de décisions et suit de près la succession de son époux.
Souhaitant ramener le pouvoir vers Gondar, la région dont elle est origine, Taytu s’efforce de faire modifier le testament de son époux pour faire de sa belle-fille Zewditou son héritière.
Mais ses tentatives sont contrées par le Conseil des ministres qui l’écarte du pouvoir et la cantonne au soin de son époux.
En mars 1910, le pouvoir passe officiellement entre les mains de l’héritier Iyassou et de son régent Ras-Bitwoded Tessema Nadew.
A la mort de Ménélik II en 1913, Taytu est bannie et contrainte de se retirer dans l’ancien palais impérial à Entoto, à proximité d’Addis-Abeba.
Mais, la noblesse et l’église n’acceptant pas qu’un musulman dirige le pays, en 1916, le nouveau souverain est renversé par un coup d’Etat qui voit l’arrivée au pouvoir de Zewditou.
L’ancienne impératrice a peut-être joué un rôle dans cette prise de pouvoir.
La nouvelle negiste negest aurait offert à sa belle-mère de venir s’installer avec elle, mais Taytu aurait refusé.
En 1917, elle demande la permission de finir ses jours à Gondar, dans sa région d’origine, mais cette requête lui est refusée.
Taytu Betul décède le 11 février 1918. Elle repose dans un mausolée du palais Ménélik à Addis-Abeba, aux côtés de son époux.
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