Hommage à Toussaint Louverture (1743 – 1803)
François-Dominique Toussaint Louverture, à l’origine Toussaint de Bréda, né vers 1743 près du Cap-Français (actuel : Cap-Haïtien) est un général et homme politique franco-haïtien d’origine afro-caribéenne.
Héros méconnu de la Révolution française, Toussaint Louverture réalise à plus de 50 ans, le rêve des Lumières. En arrachant la liberté des esclaves aux planteurs de Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti).
En effet, il joue un rôle historique de premier plan en tant que chef de la Révolution haïtienne (1791-1802). Et ainsi, il devient l’une des grandes figures des mouvements anticolonialiste, abolitionniste et d’émancipation des Noirs.
Les origines de Toussaint Louverture
Toussaint Louverture est né esclave à Saint-Domingue (actuelle Haïti). En effet, dans une « habitation » (plantation sucrière) proche du Cap-Français au début des années 1740. Il occupait des fonctions de domestique, très certainement de cocher.
On raconte, au sujet de ses origines, qu’il aurait été le fils de Gahou Deguénon. Un prince africain d’Allada (actuel Bénin). Cette rumeur circulait de son vivant.
Toussaint sert d’abord comme esclave sur l’habitation Bréda, située sur le Haut du Cap au nord de l’île. Il est le protégé du gérant Bayon de Libertat, qui lui aurait accordé une « liberté de savane ». En d’autres termes, il bénéficie de la liberté de mouvements sans l’affranchissement.
Et, selon certains historiens, son affranchissement se serait produit en 1776.
Une fois affranchi, Toussaint prend comme patronyme « Bréda », le nom de l’habitation dont il avait été l’esclave.
C’est ainsi qu’en 1779, on retrouve Toussaint Bréda à la tête d’une habitation produisant du café au Petit-Cormier. Et, comportant 13 esclaves parmi lesquels un certain Jean-Jacques qui n’est autre que son futur successeur et empereur Dessalines.
Le rôle de Toussaint Breda dans la révolte des esclaves du Nord en 1791
Ainsi, en 1791, le vent de la révolution Française arrive sur les côtes Haïtienne. Et, les esclaves du nord de l’île, se soulèvent.
D’autre part, certains disent que les royalistes cherchaient à porter atteinte au mouvement des patriotes autonomistes, c’est-à-dire aux petits Blancs. Et pour cela, ils fomentèrent une insurrection.
L’insurrection lancée, Toussaint Louverture, rejoint le mouvement en approchant les insurgés en tant que médecin grâce à sa connaissance des plantes.
Ayant mis à l’abri son ancien maître Bayon de Libertat, tout en étant fortement impliqué dans l’insurrection, Toussaint est ériger en intermédiaire entre les royalistes et les insurgés.
En effet, puisque sa personne, connue des autorités à travers Bayon de Libertat, aurait été en mesure d’apporter une certaine honorabilité au mouvement.
Ainsi, on note qu’il est l’un des signataires de l’adresse à l’Assemblée coloniale du 4 décembre 1791 proposant en vain une amnistie générale, avec les deux meneurs de l’insurrection Jean-François et Biassou.
En effet, il participe aux négociations de paix, qui, malheureusement échouent en Décembre, car, l’Assemblée coloniale refuse d’amnistier les insurgés.
Et c’est ainsi, qu’il offrit ses services de conseiller à Biassou, et lui organisa une garde disciplinée. Il prit lui-même la tête d’une troupe d’esclave, qu’il se charga lui-même d’entrainer.
Toussaint Louverture, un Général galonné
Le 29 Août 1793, L’Espagne entre en guerre contre la République française. Et ainsi, les chefs insurgés se laissèrent séduire par les propositions du gouverneur de la partie espagnole de l’île (aujourd’hui la République dominicaine).
Toussaint, à la tête de son armée de 3 à 4 000 Noirs, est vite remarqué pour ses talents militaires et sa discipline. Ainsi est-il promu lieutenant-général.
Et c’est à cette époque qu’il prit le nom de « Louverture », surnom qui devait suggérer son habileté à ouvrir une brèche dans les rangs de l’adversaire.
Il renforça ses troupes avec notamment des transfuges Blancs. Et, à la fin de l’année, il se lance dans une offensive victorieuse. Celle-ci permis aux espagnols de contrôler presque tout le nord de l’île.
D’un camp à l’autre
L’assemblée de la Convention consent enfin à voter le décret d’abolition de l’esclavage le 16 pluviôse An II (4 février 1794).
Mais, il comprend rapidement que les Espagnols ne comptent pas libérer les esclaves.
Et, au lieu de leur prêter main forte dans leurs combats engagés contre les Français abolitionnistes, il change de camps, et se rallie au général Laveaux.
En effet, Toussaint s’émancipe rapidement de la tutelle des deux chefs historiques du mouvement ainsi que de celle des Espagnols, en entretenant des relations avec le camp français.
Et le 18 mai 1794, il rallie ainsi le camp républicain sur l’offre du 5 mai 1794 du gouverneur général Lavaux.
Une raison l’ayant poussé dans le camp français est qu’il était en conflit ouvert avec ses supérieurs. Il venait d’échapper à un attentat dont la responsabilité a été attribuée à Jean-François. Avec Georges Biassou, ses relations n’étaient pas meilleures.
Sa défection du camp espagnol marque ainsi son engagement en faveur de l’abolition de l’esclavage. Et, l’année suivante, l’Espagne capitule.
Au service de la République française
Le ralliement de Toussaint Louverture apporte à Lavaux 4 000 hommes entraînés à l’européenne, disciplinés.
Cet apport est décisif dans la reprise en main du Nord de Saint-Domingue par les républicains.
En 1795, les Espagnols vaincus signent la paix avec la France et lui cèdent Santo Domingo.
Toussaint Louverture domine alors la province du Nord, à l’exception du Cap-Français contrôlé par le général Villatte.
En récompense de ses services, Toussaint fait partie de la promotion du 23 juillet 1795. Et ainsi, permettant l’accès à de nombreux officiers de couleur au grade de général de brigade.
L’ascension de Toussaint Louverture
La figure de Toussaint Louverture, particulièrement appréciée par le gouverneur Lavaux, finit par entraver l’ascension du général Villatte.
Et, en mars 1796, las de cette situation, Villatte se fourvoie dans un coup d’État en arrêtant le gouverneur Lavaux.
Immédiatement, Toussaint intervient et le met en déroute. En récompense de sa loyauté, en plus d’être promu général de division, Toussaint est nommé le 31 mars 1796 lieutenant-gouverneur de Saint-Domingue. Et de fait, occupait le second rang derrière Lavaux.
Le 11 septembre 1796, Toussaint Louverture profite que le corps électoral soit majoritairement formé de soldats, pour donner des consignes afin d’élire le gouverneur Lavaux et le commissaire civil Sonthonax comme députés.
Toussaint n’est pas immédiatement nommé commandant en chef de l’armée de Saint-Domingue en remplacement de Lavaux. Il doit attendre le 3 mai 1797 pour obtenir ce poste par Sonthonax.
Une fois la promotion obtenue, Toussaint expédie manu militari, en août 1797, Sonthonax siéger en métropole.
Le « primat » et la cristallisation d’un Nord noir face à un Sud mulâtre (Métis)
En août 1798, le général de division Toussaint Louverture négocie la reddition des Britanniques occupant encore l’Ouest de l’île.
L’accord signé entre les deux parties prévoit notamment l’ouverture des ports de Saint-Domingue aux navires de commerce britanniques, alors même que la France est encore en guerre avec la Grande-Bretagne.
Le général Hédouville, supérieur hiérarchique de Toussaint en poste depuis mars 1798, furieux d’une telle insubordination, s’émeut plus encore du contenu de l’accord.
La dégradation de leur relation est telle que Toussaint organise en octobre 1798 une révolte populaire forçant Hédouville à quitter l’île.
La veille de son départ forcé, Hédouville décharge le général André Rigaud contrôlant le Sud de l’île, de toute sujétion à l’égard de Toussaint Louverture.
Et ainsi, en juin 1799, Toussaint entre en guerre contre Rigaud et ses Métis.
La Guerre du Sud
En effet, c’est la « guerre du Sud », vue comme un conflit entre la « caste » des Noirs (représentés par Toussaint) et la « caste » des Mulâtres (Métis, représentés par Rigaud).
Le conflit entre les deux hommes n’est pourtant pas une question de couleur, mais une véritable lutte pour le pouvoir et le contrôle du territoire.
Il n’empêche que de lourdes pertes sont infligées aux mulâtres du Sud ; les sources rapportent entre 5000 et 10 000 morts.
Six mois après, la partie espagnole, officiellement française depuis 1795, est envahie par Toussaint.
Le 14 messidor de l’an IX (3 juillet 1801), le général de division Toussaint Louverture promulgue une constitution autonomiste :
- Il se nomme lui-même gouverneur à vie [terme de l’ancien régime] de Saint-Domingue, qui reste terre française, en se gardant la possibilité de désigner son successeur
N’ayant plus qu’un lien virtuel avec l’ancienne métropole, il administre son île en toute indépendance et conclut même des accords de commerce avec les États-Unis et la Grande-Bretagne.
En moins d’une décennie, Toussaint Louverture, chef militaire autodidacte, célébré à la fois par les Noirs et les Blancs, est parvenu à se hisser politiquement à la tête de Saint-Domingue.
Sous son impulsion, la révolution domingoise permet l’instauration d’un nouvel ordre, inspiré du modèle colonial de l’Ancien Régime, mais profitant aux militaires de couleur, surtout aux Noirs.
La Révolution domingoise
Toussaint bat alors le fer tant qu’il est chaud, il décide de profiter de cette guerre pour forger sa puissance avec une force militaire et une assise territoriale.
Il confisque alors une partie des revenus des plantations pour acheter des armes aux Anglais et aux USA.
Il confisque des plantations abandonnées et les confie à ses lieutenants, créant autour de lui, une nouvelle élite issue de l’esclavage.
En outre, bien qu’étant pour l’abolition de l’esclavage, dès 1795, Toussaint Louverture se montre très actif pour obliger les anciens esclaves non engagés dans l’armée à reprendre le travail.
Désormais, à Saint-Domingue, deux entités existent :
- Celle des militaires
- Et celle des cultivateurs assignés sur leurs anciennes habitations.
Cette forme de servage a été qualifiée par les historiens de « caporalisme agraire ».
L’autonomie de la colonie
C’est ainsi que, comme dit plus haut, sous son autorité, est réalisée une vieille revendication coloniale :
- L’accession à l’autonomie de la colonie.
À la suite du coup d’État de Bonaparte, le régime d’isonomie républicaine des colonies a été supprimé.
Les colonies ont été placées sous un régime d’exception. Toussaint, informé de cette mesure, s’attelle de son propre chef à l’élaboration d’une constitution, celle du 8 juillet 1801, autonomiste et autocratique.
Elle est inspirée de la constitution de l’an VIII, notamment pour la prééminence de l’exécutif et du militaire.
Cette constitution le nomme gouverneur à vie, et consacre le catholicisme comme religion d’État.
Et si, en théorie, elle reconnaît la liberté générale, elle envisage à terme la possibilité de recourir de nouveau à une main-d’œuvre africaine.
Enfin, cette constitution institutionnalise les « règlements de culture ».
À Paris, le Premier Consul Bonaparte n’accepte pas les velléités autonomistes de Toussaint Louverture.
Il envoie contre lui une puissante armée de 25 000 hommes sous les ordres de son beau-frère Leclerc.
La réaction de la Métropole
Un corps expéditionnaire est donc formé et placé sous le commandement du général Leclerc.
Il comporte des officiers issus des colonies comme;
- Rochambeau,
- Ou encore des officiers de couleur défaits par Toussaint Louverture (Rigaud, Pétion, Villatte).
Toussaint quant à lui, dispose d’une armée de 20 000 hommes, répartie entre l’infanterie, la cavalerie et le génie.
Par ailleurs, sa garde nationale, véritable troupe aguerrie, compte près de 10 000 hommes.
Le général Leclerc débute par un débarquement simultané dans tous les grands ports en février 1802. Cela suivi d’une offensive pour refouler les rebelles.
Malgré des pertes importantes, les troupes venues de France sont victorieuses. Si bien que les officiers de Toussaint, à l’exemple de Maurepas ou Henri Christophe, font tour à tour défection.
La Capitulation de Toussaint Louverture
Le 6 mai 1802, peu après la capitulation de la forteresse de Crête-à-Pierrot, Toussaint Louverture se soumet.
Avec la chute de Toussaint Louverture, la Révolution domingoise connaît un coup d’arrêt.
C’est finalement dans une certaine indifférence que;
- Le 7 juin 1802, en dépit des promesses faites en échange de sa reddition, Toussaint Louverture (ainsi qu’une centaine de ses proches) est déporté en France :
Il est embarqué avec sa famille sur la frégate la Créole et transbordé au large du Cap-Haïtien sur le Héros qui le transporte à Brest. Maintenu aux arrêts en rade à bord du Héros il est débarqué le 25 thermidor an X (13 août 1802) à bord d’une chaloupe vers Landerneau et conduit sous bonne garde avec son fidèle serviteur Mars Plaisir au fort de Joux où il meurt le 7 avril 1803, d’apoplexie et de pleuro-péripneumonie, après un hiver rude dans le Doubs.
Il faut attendre la fin de la Révolution haïtienne pour que l’œuvre amorcée par Toussaint Louverture trouve son aboutissement.
Et qu’il soit érigé pour la postérité en héros national haïtien. En effet, c’est son ancien lieutenant Jean-Jacques Dessalines qui proclame l‘indépendance de la République le 1er janvier 1804.
Voir Aussi: Anchaing et Heva, Les Nègres Marrons Réunionnais