Les Salaziennes relatent la légende d’Anchaing
Un poème d’Auguste Lacaussade dans son recueil:
Les Salaziennes relatent la légende d’Anchaing
Auguste Lacaussade est un poète réunionnais ( 1815- 1897) , issu d’un père avocat , d’origine bordelaise , et d’une ancienne esclave affranchie, il ne peut pour cette raison intégrer le Collège Royal des colonies. Il part faire ses études à Nantes. De retour en 1834 à la Réunion pour 2 ans, il prend alors consciencede la dure réalité de la vie coloniale et de l’esclavage. En 1848 il rejoint le camp des abolitionnistes. En 2006, ses restes sont transférés du cimetière de Montparnasse à celui d’Hell-Bourg, dans le cirque de Salazie.
Dans le poème Anchaing composé en 1839 ( soit 9 ans avant l’abolition de l’esclavage à la Réunion) , il fait le récit du marron Anchaing et valorise son courage , sa lutte pour la liberté. Grâce à l’ampleur de l’alexandrin, aux images poétiques ( métaphores , comparaison ) de l‘oiseau, l‘aigle en particulier, il confère à Anchaing une dimension royale et de liberté conquise. Il rend ainsi hommage à ce marron qui a fui les plantations et les mauvais traitements, et participe à l’édification de sa légende
Poème
Mais quel est ce piton dont le front sourcilleux
Se dresse, monte et va se perdre dans les cieux ?
Ce mont pyramidal, c’est le piton d’Anchaing.
De l’esclave indompté brisant la lourde chaîne,
C’est à ce mont inculte, inaccessible, affreux,
Que dans son désespoir un Nègre malheureux
Est venu demander sa liberté ravie.
Il féconda ces rocs et leur donna la vie ;
Car, pliant son courage à d’utiles labeurs,
Il arrosait le sol de ses libres sueurs.
Il vivait de poissons, de chasse et de racines ;
Parfois, dans la forêt ou le creux des ravines,
Aux abeilles des bois il ravissait leur miel,
Ou prenait dans ses lacs le libre oiseau du ciel.
Séparé dans ces lieux de toute créature,
Se nourrissant des dons offerts pas la nature,
Africain exposé sur ces mornes déserts
Aux mortelles rigueurs des plus rudes hivers,
Il préférait sa vie incertaine et sauvage
À des jours plus heureux coulés dans l’esclavage ;
Et, debout sur ces monts qu’il prenait à témoins,
Souvent il s’écriait :
Je suis libre du moins !
Cependant, comme l’aigle habitant des montagnes,
Qui du trône des airs descend vers les campagnes,
Sur la terre et les champs plane avec majesté,
Et, s’approchant du sol par sa proie habité,
La ravissant au ciel dans sa puissante serre,
Reprend son vol royal et remonte à son aire ;
Le noble fugitif, abandonnant les bois,
De son mont escarpé descendait quelquefois ;
Il parcourait les champs, butinait dans la plaine,
Et revolant ensuite à son affreux domaine
Par l’âpre aspérité d’un sentier rude et nu,
Invisible aux regards et de lui seul connu,
Il regagnait bientôt sa hutte solitaire
« Le piton d’Anchaine », extrait du recueil Les Salaziennes, 1839.
Voir Aussi:
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