Edmond Albius, le jeune esclave botaniste

Edmond Albius, le jeune esclave botaniste

Edmond Albius est un Réunionnais né à Sainte-Suzanne en 1829.

Il est célèbre pour avoir découvert le procédé pratique de pollinisation de la vanille alors qu’il n’avait que 12 ans et était alors esclave.

Jusqu’à cette époque, l’orchidée de la vanille était une plante ornementale à la Réunion, la mélipone, l’insecte polenisateur de la vanille ne vivant pas sur l’île. 

L’enfance de Edmond Albius

Île Bourbon  (la Réunion), XIXème siècle, une poignée d’années avant l’abolition de l’esclavage.

Ferréol Bellier Beaumont, botaniste solitaire prend un bébé né esclave.

Alors, cet enfant, Edmond, va grandir au milieu des plantes et à l’abri de la violence de sa condition.

Ferréol Bellier Beaumont est un homme complexe. Moderne, érudit. Velléitaire, frustré.

Il a besoin d’un projet, d’accomplir une belle chose qui prouverait au monde qu’il est un grand humaniste.

Pour ça, il a son jardin, ses plantes, ce processus de fécondation de la fleur de vanille qui résiste encore à tous les grands botanistes de l’époque et il y a ce bébé noir qui ne demande qu’à grandir.

Alors, il en fait son jardinier et lui explique comment féconder les fleurs pour entretenir son jardin.

Ferréol Beaumont Bellier dira de son jeune esclave :

D’un naturel curieux, intelligent, il aime observer la nature et fait preuve de beaucoup d’attention.

Ferréol est un abolitionniste honteux qui œuvre dans l’ombre.

  • D’abord il donne un vrai prénom au bébé alors qu’à l’époque, on baptisait les esclaves comme on baptise les animaux.
  • Ensuite il donne une éducation à Edmond, le laisse expérimenter, toucher, explorer son monde, développer ses sens.
  • Edmond vit en sécurité, il est aimé et choyé. Ferréol lui apprend l’étymologie et la botanique mais refuse de lui apprendre à lire et à écrire.

Il a acheté cet enfant, il ne l’a pas adopté. Veut-il l’éduquer ou en faire sa chose ?

Les découvertes d’ Edmond Albius

Edmond est un enfant intelligent. Si on ne lui donne pas les outils dont il a besoin pour s’émanciper, il les fabrique.

Privé de lecture et d’écriture, il va développer une prodigieuse mémoire et un riche imaginaire.

Edmond a également grandi dans les bras des nenènes (nounou en créole réunionnais) qui l’ont bercé en lui racontant en créole les histoires de Furcy et d’Anchaing le Marron.

Il n’est pas ignorant des conditions de vie de ses semblables. Avec la disparition progressive de l’enfance vient la violence.

C’est donc en colère et épris d’un profond sentiment d’injustice qu’Edmond trouvera le moyen de féconder une fleur de vanille.

La fleur de vanille - Edmond Albius

En effet, à 12 ans, Edmond arrive à produire des gousses de vanille dans le jardin de son maître à la grande surprise de ce dernier.

Personne auparavant n’avait réussi à féconder la vanille. Le jeune esclave explique alors le procédé simple et très fiable de pollinisation manuelle de la Vanille.

Ainsi, il trouva le processus de pollinisation de la fleur de vanille, mais on ne lui en reconnaîtra pas la paternité.

Dès lors, Edmond est isolé.

Jaloux et dépassé, Ferréol s’étiole jusqu’à devenir une silhouette molle et terne, un vieux garçon empoussiéré dans ses livres et ses frustrations.

Mais ce fut pour un temps.

C’est alors que JMC Richard, botaniste de renom, mégalo, esclavagiste et envieux, s’approprie la découverte.

En effet, qui pourrait croire qu’Edmond, un enfant noir a accompli ce qu’aucun blanc éduqué n’a jamais réussi.

C’est une provocation insupportable au creux de ces années qui annoncent une inéluctable abolition de l’esclavage.

La floraison de ses découvertes

Le procédé d’Edmond se répand très rapidement dans la colonie, son propriétaire de n’hésitant pas à prêter son jeune esclave aux autres propriétaires de la colonie pour les initier à la culture de la vanille.

La fécondation de la vanille va faire la fortune des riches blancs de l’île.

Edmond quant à lui, vivra pauvrement toute sa vie.

Son statut d’esclave ne lui a pas permis d’être payé pour sa découverte. Ensuite, après son émancipation en 1848, il est comme les autres anciens esclaves, libre mais pauvre et sans éducation.

Puisque les anciens esclaves ont enfin un état-civil, on donne au jeune Edmond le patronyme d’Albius, en référence à la couleur blanche alba de la fleur de vanille.

Il devient ensuite cuisinier chez un officier de garnison.

Par contre, sept ans après la découverte d’Albius, l’île exporte ses premières vanilles, une petite dizaine de kilos.

Après l’adoption du procédé Loupy – de Floris, les expéditions vont s’envoler.

Elles passent de 267 kilos en 1853 à plus de 3 tonnes en 1858.

À la fin du XIXème siècle, elles rapportent autant que le sucre.

En 1892, près de 4 200 hectares sont plantées en vanille.

Les expéditions atteignent 200 tonnes en 1898 et la vanille de l’île rafle les Grands Prix des expositions universelles de 1867et de 1900.

Parce qu’elle est celle d’un enfant, noir et esclave de surcroît, la paternité de la découverte est toutefois rapidement contestée par les envieux.

À l’origine du développement de l’actuel Jardin de l’État de Saint-Denis, le botaniste Jean-Michel-Claude Richard prétend ainsi avoir enseigné la technique de fécondation à l’esclave trois ou quatre ans plus tôt.

Le jeune Edmond est alors vigoureusement défendu par Ferréol Bellier Beaumont, le naturaliste Eugène Volcy Focard et un certain Mézières de Lépervenche.

Principe de fécondation de la vanille

La fleur de vanille

Malgré ce soutien, la controverse persiste, même après la mort des différents protagonistes. Au début du XXème siècle, un titre de presse va jusqu’à affirmer à tort qu’Edmond Albius était blanc.

Le principe de fécondation de la vanille se décompose en trois mouvements:

fécondation de la vanille
  • D’abord, on saisit la pointe de la fleur avec la main gauche et on découpe la corolle avec une petite pointe.
  • Puis, on soulève délicatement avec une petite pointe en bambou, le pistil (organe femelle) et on le redresse
  • Et On appuie délicatement avec le pouce de la main gauche pour que l’étamine (organe mâle) puise s’incliner vers l’organe femelle et féconder la fleur.

Et on recommence ainsi de suite pour chaque fleur.

La Réunion est devenue très vite une région connue pour sa vanille.

L’île de la Réunion (à l’époque Bourbon) a même donné son nom à la fameuse vanille Bourbon de renommée internationale, considérée comme la meilleure vanille du monde.

Stèle Edmond Albius

Ainsi, ce procédé qui révolutionne la culture de cette épice, permet à La Réunion de devenir pour un temps le premier producteur mondial et le berceau de la diffusion d’un nouveau savoir-faire.

100 ans après sa mort

Une stèle rappelant la naissance de cet esclave qui à 12 ans, a changé le cours de l’économie de l’île a été érigée en 1980 dans sa commune natale au lieu dit de Bellevue.

Voir: Reunionweb

Voir aussi: Nanny

La Rédaction

4 commentaires sur “Edmond Albius, le jeune esclave botaniste

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