L’Africain avec Dieu – Caractère sacré des métiers traditionnels

L’Africain avec Dieu – Caractère sacré des métiers traditionnels

Dans le Rapports qu’entretien l’homme Africain avec Dieu, nous allons voir ici le caractère sacré des métiers traditionnels.

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L’Africain avec Dieu – Caractère sacré des métiers traditionnels

Parmi les activités humaines traditionnelles, bien rares étaient celles qui ne comportaient pas un aspect sacré.

En effet, les métiers n’étaient pas considérés comme de simples occupations utilitaires domestiques ou économiques. Mais comme des œuvres sacrées, exécutées par des initiés en vue de plaire à Dieu, Maa Ngala.

Les trente-trois pièces du métier à tisser n’étaient pas taillées au hasard, mais selon une formule consacrée.

Il fallait se concilier la Force-Source pour se permettre de transformer son œuvre initiale et divine en une œuvre humaine  —  les outils.

L’utilisation de chaque outil était également précédée d’une prière incantatoire.

Le « langage » du métier à tisser est une grande leçon de philosophie.

Tout parle :

  • la navette,
  • les pédales,
  • le fil de trame,
  • le peigne,
  • le rouleau,
  • l’ensouple,
  • les lisses, etc.

Chaque élément représente un des aspects du jeu de la vie cosmique :

  • Parole créatrice,
  • dualisme,
  • loi des cycles,
  • passé, présent, avenir, enroulement du temps, etc.

En manipulant chaque pièce, le tisserand chante ou récite une litanie précise, car il sait qu’il touche à l’un des mystères de la Vie, en tout cas à son symbole, ce qui pour lui revient au même.

Il en va de même pour chaque activité traditionnelle :

  • forgeron (il en sera question plus loin),
  • cordonnier,
  • potière (la poterie est traditionnellement réservée aux femmes, en raison du symbolisme féminin de tout ce qui est creux et, partant, récipient).

Le cultivateur ne se permettrait jamais d’ouvrir imprudemment les entrailles de la terre sans au préalable dire la parole appropriée et consacrée.

Il n’enterre sa semence qu’après l’avoir fait bénir et recommander à la Force-Source, qui veille partout et sur tout à la fois. Ceci afin que la perturbation ne joue pas et que les concombres ne se mettent pas à pousser sur les branches de baobab…

Le berger ne lance pas son troupeau dans la brousse sans avoir demandé à celle-ci « d’ouvrir sa bonne bouche et de fermer la mauvaise ».

L’Africain avec Dieu – Ancêtre initiateur d’une connaissance reçue « d’en-haut »

AFRICAIN AVEC DIEULa plupart des rites qu’accomplit l’animiste sont considérés comme la répétition d’un acte primordial, inspiré par « Masa-Dembali » (le Maître incréé et infini), et transmis par la chaîne des ancêtres-initiés.

Il serait bien difficile de reconstituer dans son intégrité la pensée religieuse primitive du Noir.

Mais on peut affirmer que c’est toujours un ancien, ou l’ancêtre, de chaque clan ou tribu, qui le premier entra en rapport avec les « forces » de la nature agents de Dieu.

En général par l’entremise d’un être fabuleux (esprit, animal, phénomène d’ordre atmosphérique ou astronomique), et qui en reçut une certaine connaissance qu’il transmit à sa descendance.

C’est ainsi que l’ancêtre des Samaké fut mis en rapport avec l’invisible par un vieil éléphant solitaire, et que celui du clan Diarra fut initié par un vieux lion édenté et sans griffes…

On retrouve toujours, dans les traditions maliennes, au moment où s’accomplit cette « rencontre »:

Les trois éléments d’une triade :
  • La force invisible qui inspire et révèle,
  • L’agent de transmission ou de révélation qui prend souvent l’aspect d’un animal fabuleux ou mythique,
  • Et celui qui reçoit : l’homme, l’ancêtre, l’initiateur.

Pour les anciennes sociétés traditionnelles, le principe de toute connaissance réelle, de quelque ordre soit-elle, vient toujours « d’en haut ».

« On ne peut rien faire qui ne nous vienne de Masa-Dembali et au moment choisi par lui. »

Ainsi ne dit-on pas que l’homme « invente » quelque chose, mais qu’il le « découvre », ou « redécouvre »…

La chose préexistait à l’homme, qui ne fait que la découvrir ou la dévoiler à l’époque choisie par Masa-Dembali.

Les ancêtres des cultivateurs, des « deux chasseurs » (chasseur et pêcheur) et des « trois pasteurs » (pasteurs de bovins, de chèvres et de mouton), furent jadis mis en rapport avec les forces cachées dans le sein de la terre, dans les arbres et dans l’eau.

Et c’est grâce à la transmission de cette connaissance, par la voie de l’initiation, que peuvent s’accomplir ces activités traditionnelles.

Les forgerons

C’est l’ancêtre des forgerons, Nunfayiri, qui le premier entra en rapport avec les esprits des trois feux :

  • Le feu du bois vert
  • Feu du sein de la terre
  • Et feu du ciel

Il apprit d’eux à extraire le fer et à le transformer en outils.

Le Peul, qui est son allié-sacré, le nomma « baylo », de l’infinitif « waylude », qui signifie transformer.

Le forgeron devint un demi-dieu, un créateur, capable d’entrer en rapport avec l’invisible.

Contrairement à ce que d’aucuns ont écrit, ou cru comprendre, le forgeron n’est pas méprisé.

Il est craint. Il est réservé aux dieux. On lui donne parfois le titre de « Premier Fils du Monde ».

Il est le seul traditionnellement habilité à pouvoir régler, sans mal, l’éternel conflit opposant le pasteur à l’agriculteur.

Comme pour le métier à tisser, chaque élément de la forge est un symbole sacré d’un des aspects de la Force créatrice :

  • Le soufflet, qui s’introduit dans le foyer, représente le principe masculin transmettant la vie sous forme de souffle, le foyer animé par ce souffle étant ici le principe féminin.
  • L’enclume, jadis traditionnellement de forme ronde ou ovale, représente la matrice, tandis que la masse symbolise l’organe mâle.

La forge fut, en Afrique, l’un des plus anciens sanctuaires où l’homme ait adoré un dieu, par le truchement du feu de la forge.

En bambara, ce foyer se nomme « fan », qui signifie « oeuf » et par extension « l’oeuf du monde ».

Jusqu’ici, au Mali, le forgeron est resté le « Komotigui », Maître du dieu Komo.

Il a des droits sur tout le monde. Ses outils et sa personne sont sacrés, et même intouchables.

La forge, de même que tout autre atelier artisanal, était:

Un « domicile divin ».

La construction de ces ateliers-sanctuaires incombait jadis à tous les habitants du village, et ils furent des lieux d’adoration de telle ou telle force de la Vie, avant que les profonds bouleversements nés du choc de la colonisation et de la civilisation moderne ne soient venus les « désacraliser » et en faire des lieux de travail courant.

L’Africain avec Dieu – Symbolisme sexuel

Le symbolisme sexuel dont nous venons de parler à propos de la forge est en fait considéré comme inhérent à toute chose.

En effet, sans en faire des êtres vivants comme Adam et Eve, les traditions animistes du Soudan reconnaissent la création, par l’Etre Suprême, de deux principes fondamentaux :

  • « tyeeya » (masculinité)
  • et « museya » (féminité), dont furent dotés tous les êtres.

Dans l’Ouest africain, le principe de la sexualité est appliqué aux êtres et aux choses des trois règnes :

  • minéral,
  • végétal
  • et animal.

C’est ainsi que le ciel est mâle, parce qu’il recouvre la terre, fonction qui constitue sa masculinité, tandis que la terre est réceptive, donc féminine et maternelle.

«Recouvrir» signifie d’ailleurs encore de nos jours, chez les Peuls, « épouser ».

Selon sa forme, un objet sera considéré comme masculin ou féminin. Tout ce qui est creux sera symbole de féminité, alors que la partie saillante d’un objet sera assimilée à la masculinité.

Là encore, il faut insister sur le fait que, pour l’Africain, le symbole n’est pas abstrait, ou mental, mais concret. En ce sens qu’il est, sur terre, comme l’écho, ou la projection concrète, d’un des aspects de la Force primordiale.

Les choses d’en bas sont le reflet des principes d’en haut, mais reflet habité, réceptacle ou lieu d’une Présence.

Le Ciel et la Terre, le Père et la Mère

Rapports de Homme Africain avec Dieu

Ainsi, la sacralité lointaine et transcendante du ciel (principe masculin et créateur) n’a-t-elle pas été établie sur une base d’amour, mais sur celle de la force :

  • le tonnerre,
  • la tornade,
  • les « colères du ciel » furent des manifestations de l’existence et de la puissance de Masa-Dembali, l’Etre Suprême.

Sur terre, c’est dans « le Père » qu’est incarnée cette force, ou cette puissance.

Tandis que la sacralité intime et proche de Dieu, sa puissance d’amour et de miséricorde, ne sont pas à rechercher « au ciel », mais dans la manifestation même, là où elles sont à l’oeuvre :

  • dans le coeur et les entrailles de la Mère,
  • dans le sein de la Terre, Mère nourricière.

Ce n’est pas seulement du lait que boit le nourrisson suspendu au sein de sa mère, mais la Miséricorde divine elle-même, et l’amour.

C’est pourquoi un enfant sevré trop tôt est considéré comme ayant été privé de la nourriture de Miséricorde qui devait l’imprégner au début de sa vie, pour en assurer le déroulement harmonieux.

La matrice maternelle (en correspondance analogique avec l’atelier du forgeron) est considérée comme l’atelier où l’Etre Suprême fait germer et croître la vie.

Elle est donc le lieu privilégié de la transcendance, le lieu du travail divin. C’est pourquoi la tradition assigne à la femme-mère un rang de demi-dieu, alors que la femme-épouse n’est qu’une partenaire de jouissance physique.

La malédiction maternelle, comme sa bénédiction, monte droit au ciel et ne retombe jamais…

Aussi dit-on en adage :

« Tout ce qu’on a, on ne le doit qu’une fois à son père, mais deux fois à sa mère. »

Le père n’est qu’un « semeur » parfois distrait, pour ne pas dire frivole…

On peut accepter à la rigueur une injure adressée au père, mais on ne laissera jamais passer une injure faite à la mère.

La Terre-Mère

La terre, puissance féminine et maternelle comme nous l’avons vu, est le réceptacle de la puissance totale qui vient du ciel par l’entremise de « ji » (eau) de « yeelen » (lumière) et même de « dibi » (obscurité).

Considérée comme Mère des êtres, le ciel devient son époux, la lune son astre, le soleil son pôle.

Elle est le giron, le dos et la mamelle maternelle des êtres.

Dès que nos pieds quittent la terre, nous cessons de nous sentir en paix.

L’esprit  —  ou le dieu  —  « Lennaya » réside en elle ;

« Lennaya », c’est la confiance qui procure la paix, la confiance de l’enfant reposant sur le sein de sa mère.

Le culte de la terre est la base même du culte animiste.

Celui qui n’a pas ses pieds sur terre ne saurait être « gonngon-duuru », c’est-à-dire « celui qui agit » ou, littéralement, celui qui « soulève-poussière ». Celui qui ne fait rien ne soulève pas de poussière.

Le proverbe « Nii yaa me gonngon-duuru i ntron fla de be dugu man » (« Si tu entends « gonngon-duuru », c’est que tes deux talons sont en contact avec la terre ») implique que l’être, pour se réaliser, doit exister sur la terre. Cette venue sur terre est primordiale et se prépare avec grand soin au moment de la naissance d’un enfant.

La terre est appelée « dugu kolo ». « Dugu » signifie cité  —  par extension l’habitat  —  et « kolo » signifie os  —  par extension charpente, squelette.

Ainsi, la terre est le squelette de la cité. Sans elle, ni la demeure de l’homme ni l’antre de la bête ne trouveraient leur assise.

Aucun chantre n’invoquera un dieu quelconque sans rendre hommage à la terre. C’est dans cette matrice, ou sur elle, ou sous elle, que se constituent les règnes du cosmos.

L’agriculture et l’élevage sont les deux grands métiers des animistes.

HOMME AFRICAIN AVEC DIEU - EGYPTE ANTIQUECes deux métiers sont terriens et ceux qui les pratiquent sont plus portés à l’animisme que les autres.

La terre, mère des êtres, matière de laquelle nous venons et dans laquelle nous retournerons infailliblement, n’appartient à personne.

Même le roi, là où il y en avait un, ne pouvait être « maître de la terre ».

Celle-ci ne pouvait être ni transférée à un propriétaire privé, ni hypothéquée. On lui sacrifie, car de sa fécondité dépend celle de tout l’univers.

Aussi chaque village avait-il son sacrificateur, appelé « gérant de la terre ».

L’agriculteur ne sème ni ne plante avant de demander à la terre d’accepter tout d’abord, puis de veiller sur la transformation de la graine qu’il lui confie.

Il lui demande pardon avant de la fendre avec sa houe, afin qu’elle accepte cette blessure sans colère.

Le travail des champs étant considéré comme un processus de procréation, c’est pourquoi, en certains endroits, ce sont les hommes qui fendent la terre, tandis que seules les femmes sont habilitées à enfouir la graine dans le sein de la terre comme en une matrice, en raison de leur parenté analogique avec elle.

En effet, les secrets profonds de la vie sont cachés dans les entrailles de la terre et dans ses excavations.

La vie a débuté dans une grotte, dit le mythe. Elle se développa dans un puits et se manifesta en sortant par une fente.

La mère et la terre, manifestations d’un même mystère.

En effet, celui de la germination, de la fécondité et de la vie, sont d’une importance capitale dans la tradition animiste.

Si le père est considéré comme un agent cosmique de contact, sur le plan du sacré il cède le pas à la mère.

Il légitime l’enfant après avoir aidé à le procréer, mais c’est la mère qui parfait l’être de l’enfant.

On ne peut être sans mère, alors qu’on peut bel et bien être de père inconnu.

La terre est considérée comme un être vivant. Elle croît, décroît et meurt.

Le Soleil et la Lune

Le soleil, la lune, les étoiles et tous les grands phénomènes atmosphériques sont considérés comme étant des agents de la force céleste.

Ils personnifient chacun, une des multiples forces de l’Etre Suprême.

L’astre du jour est l’emblème de cette force suprême, trop haut placée, à laquelle n’accèdent pas les êtres de la terre, bien que leur vie dépende de cette force.

Les Bambaras nomment cette force « », parfois « Sé-Ba » et certains y ajoutent un troisième terme, « massa », pour former une triade : « Séba-massa ».

Le mot médian « ba » est ici un pronom relatif qui représente la « force innommée » et qui évoque également la grandeur.

Il est précédé par « », force, et suivi de « massa » : roi.

« Sé-bamassa » signifie donc : le « Roi doué de la force ».

La puissance de ce roi céleste, dont le lieu de résidence ne saurait être déterminé exactement, est mythiquement représentée par le soleil.

Roi visible du ciel, il déverse sur la terre sa semence :
  • la pluie, et son souffle : la chaleur, qui, selon leur intensité, peuvent tuer ou vivifier.
  • Le soleil n’apparaît pas toujours aux yeux des humains.
  • La nuit, certaines éclipses, des nuages, peuvent occulter sa présence.
  • Son apparition dépend de la volonté de Sé-ba-massa.
  • Emblème du roi, comme les rois traditionnels il n’apparaît pas toujours, et ses sorties sont réglementées.
  • Mais il est invariable dans sa forme.

Il n’en va pas de même pour celle qui est parfois considérée comme :

Son épouse, la lune.

Celle-ci, comme son royal époux, a des moments de sortie.

Mais elle se transforme, et tout le secret de la maternité et des phases de la vie réside en elle :

  • elle apparaît tout d’abord mince et évidée,
  • puis s’arrondit pleinement,
  • enfin décroît et s’éclipse.

C’est l’image même des cycles de la vie :

  • la conception,
  • l’accroissement
  • et la mort:

Et de l’éternel renouvellement des choses :

  • elle réapparaît après les trois jours néfastes de sa disparition.

Le croissant de lune annonce un changement. On chante pour l’honorer :

Apparition, apparition de nouvelle lune, Que chacun cherche le peu auquel il a droit. Personne n’agira à la place d’un autre, Que chacun cherche le peu auquel il a droit.

Pour l’animiste, la lune renouvelle les contingences et donne donc à chacun l’occasion d’agir pour se réaliser.

Il est convaincu que personne ne « vivra la vie » de son prochain, c’est-à-dire ne subira le destin de son prochain.

La chance et la malchance de chacun sont attachées à ses pas. Si telle est la loi inexorable du devenir:

Chacun doit agir par soi-même.

Le « tlé » de quelqu’un, c’est son temps, ses chances et malchances, en un mot son destin, inexorablement personnel.

La lune, qui a un rôle plus magique que celui du soleil, tient une grande place dans la vie de l’animiste.

Elle est considérée comme l’agent d’une divinité régissant la féminité, la sexualité, la procréation humaine et la fructification végétale.

C’est en elle que l’ « être caché » de la femme réside durant ses périodes menstruelles.

Pour dire qu’elle a ses règles, la femme dit : « Je suis entrée dans la lune… »

Chez les Dogons, cette période est marquée par une retraite effective de la femme dans une maison interdite aux hommes, appelée « pna-pna ».

Elle y demeure pendant toute cette période, où sa matrice est censée être occupée par le dieu de la procréation : « Soro ».

Pays des morts, la lune est également la maîtresse des eaux, qui obéissent à sa loi, notamment dans le phénomène des marées.

Quand l’orage est annonciateur de pluie, on prie la lune de ne point « sucer la pluie », et de ne pas rendre la terre stérile.

Elle administre les plantes. Elle guide l’émigration des êtres sur terre et dans l’eau. On lui demande de ne pas perturber le temps.

Mais elle est surtout la grande reine magique du Temps. Elle est considérée comme le « boulier » compteur de l’Eternité.

C’est pourquoi elle sert de calendrier en vue des opérations occultes. Ses quantièmes sont repérés avec soin et servent à marquer les dates des principales pratiques religieuses de l’année.

Elle fut dotée de vingt-huit demeures, et passe une journée et une nuit dans chacune d’elles. Son époux lui rend visite chaque nuit.

Les quatre éléments-mères —  feu, terre, air et eau  —  régissent chacun sept de ces demeures.

C’est par le truchement des demeures de la lune que les correspondances de toutes choses furent établies par les initiés.

Ce sont elles qui relient tous les êtres entre eux.

Les chantres des dieux et les maîtres du couteau rituel connaissent les secrets de ces demeures et ce qu’il faut demander selon que la lune s’y trouve avec son époux ou non.

Ce qui revient à dire qu’il y a une incantation-clé pour chaque demeure, donc pour chaque jour. Mais il ne faut pas s’y tromper :

Ni le soleil ni la lune ne sont adorés pour eux-mêmes.

Ils sont un emblème incarnant une puissance transcendante, le signe de l’opération de cette puissance, mais ils ne sont pas cette puissance même.

Quant à la Voie lactée, c’est le grand chemin illuminé que Masa-Dembali emprunta quand il eut à visiter sa création.

Les ancêtres des humains y ont leur demeure.

Ethique reliée au sentiment de l’unité de toutes choses

On ne peut dénier à l’animisme primitif un fond d’enseignement imposé à chaque individu de la société pour l’inciter à faire le bien et à éviter le mal.

Cet enseignement est fondé sur l’intime conviction que « tout se tient » dans l’univers. Rien n’est isolé.

Toute violation des lois sacrées provoque une perturbation occulte dans l’équilibre du cosmos, se traduisant sur notre terre par de grands bouleversements.

C’est pourquoi chaque violente manifestation de la nature  —  éruption volcanique, tremblement de terre, inondation, etc.  —  est considérée comme la conséquence de fautes commises contre la morale ou contre la tradition.

Au Mali, les animistes ignorent la notion de « déluge », mais ils connaissent des destructions massives opérées par l’Etre Suprême pour punir le manquement des hommes.

Si l’individu peut commettre des fautes dont les conséquences se répercuteront en lui ou autour de lui, la collectivité elle-même, considérée comme une personne, est également responsable de ses actes :

Ses bonnes actions éviteront les épidémies, les guerres, la sécheresse, le tarissement des mines et des puits, etc.    

Un proverbe bambara compare l’univers à une grande mare :

« Attention à ce que tu jettes dans la « mare de la vie », en raison des remous que cela ne manquera pas d’entraîner ! Si tu jettes un petit caillou, les ondes n’iront pas loin ; mais si tu jettes un gros morceau de bois, les ondes n’auront de cesse qu’elles n’aient rempli toute la mare et n’aient atteint les rives. Non seulement elles risqueront de les dégrader, mais elles reviendront vers leur point de départ et leur rencontre avec les ondes de sens contraire peut provoquer un choc aux conséquences désastreuses et imprévisibles. »

Partout où la tradition est respectée, l’individu ne compte pas devant la collectivité.

La famille d’abord, puis la tribu ou le village, constituent des unités dont l’intérêt ou le destin prime ou englobe celui des individus qui les composent.

C’est dans cette optique qu’il faut essayer de comprendre certains actes des sociétés anciennes, si choquants pour notre éthique et notre sensibilité actuelles.

Les sacrifices consentis pour le salut de la communauté étaient la plupart du temps recherchés par des volontaires comme un titre de gloire.

Ce profond sentiment d’unité explique également la solidarité familiale qui continue, encore de nos jours, de marquer la société africaine, mais qui commence malheureusement à s’effriter sous l’influence grandissante de l’individualisme moderne et du « chacun pour soi » dans la course à la richesse et au pouvoir

Voir: Hampâté Bah Rapports

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La Rédaction

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