Foi de marron – de Léon-Gontran Damas

Foi de marron – de Léon-Gontran Damas

Avec Foi de marron, le poète pense à ses « frères et sœurs. Aussi à ses cousins, amis » créoles qu’il évoque avec tendresse. Ceci, pour oublier l’indifférence de la femme « qu’il a vue partir un matin … »

Léon Damas, grand amateur de jazz, publia en 1937 Pigments, recueil de poèmes préfacé par Robert Desnos. Et il se révolte avec violence contre une certaine éducation créole d’inspiration bourgeoise qu’il voit comme une acculturation imposée.

Un de ses grands thèmes est la honte de l’assimilation. Engagé dans la politique, il fut député de Guyane.

Foi de marron

 Foi de marrons
non de marrons qui se mangent
et réchauffent les mains froides
au carrefour des hivers soudain revenus
 Foi de nègres marron
qui mange enfin à sa faim
boucané de lévrier que savaient si bien savourer
les boucaniers aux lévriers lâchés contre la fièvre de nos pigments
 Foi de nègres marron
qui mange enfin à sa faim
boucané de lévrier
et parole d'évangile
en vérité en vérité
je vous le dis à vous
qui en savez long sur nous deux qui n'en espérions pas tant de vous
 Chers frères et sœurs
cousins cousines
amis amies
je le dis bien amizamies
et si le coeur vous en dit.
 Mézamies
avec un rien d'intonation
un rien d'inclination
un rien d'accent
on rien d'humour
un rien de sel
un de ces riens
si proprement
si plienement
si joliment
si bellement
créoles.
 Mézamies
je dis bien sur lines et non zami-zamies
fermée à peine ouverte la parenthèse sur la chose,
 si tenté que Dieu nous garde
de toute tentation libidineuse
même créole.
 Foi de nègres marron
qui mange et non se mangent
et
parole d'évangile
en vérité
en vérité
je vous le dis à vous
qui en savez long sur nous deux qui n'en espérions pas tant de vous.
 Chers frères et sœurs,
cousins cousines,
amis amies,
avec toute sons liazons.
Il est faux de dire à ceux qui n'en savaient rien
autant que vous qui en savez long sur nous deux qui n'en espérions pas tant de vous.
Chers frères et sœurs,
cousins cousines,
amis amies,
il faut le dire
qu'ELLE les avait prises
par surprise,
un soir où je m'en étais allé
à la recherche de nos ombres égarés en quelque coin perdu,
 la veille de l'avant-veille de la seule veillée valable et vraie 
de ma mort en série.
ELLE, non vous ne saurais jamais le nom,
tu as plaisir pour vous punir.
Vous qui en savez long sur nous deux qui n'en espérions pas tant de vous.
Chers frères et soeurs
Cousins cousines
Amis amies
ELLE
et personne d'autre
ELLE avait eu par devers elle à mon insu de temps immémoriaux
ELLE avait eu les clefs de la clé du Royaume
Et,
parce qu’ELLE les avait eues,
parce qu'ELLE avait eu par devers ELLE à mon insu de temps immémoriaux,
les clefs de la clé du Royaume
qu'ELLE n'avait nullement prises
par surprise,
un soir où je m'en étais allé,
a la recherche de mon ombre égarée en quelque coin perdu
la veille de l'avant-veille de la seule veillée valable et vraie,
de ma mort en série
clefs en main
je l'ai vue un matin s'en aller,
Comme l'était venu,
et s'en aller
clefs en main
mais sans la clé.

Poésie de la Négritude – Foi de marrons de Léon-Gontran Damas

La Rédaction

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